2021 en 20 albums

par la rédaction, le 6 janvier 2022

Sans revenir sur tous les bouleversements que la pandémie a provoqués dans le secteur de la musique, force est de constater que notre dynamique d’écoute – toute personnelle – s’est elle aussi modifiée au cours de l’année 2021 : bien plus qu’une boulimie réconfortante de nouveautés, nos oreilles ont davantage cherché des shoots efficaces de consolation, au travers d’œuvres qui allaient pouvoir livrer avec force, constance et certitude, quelques doses de satisfaction concentrées par voie intra-auriculaire.

Si certains sont alors tombés dans la nostalgie des classiques, d’autres se sont noyés dans une poignée de disques qui ont moins marqué par leur fraîcheur un moment de l’année, qu’ils sont devenus des compagnons de route vers le reboot que nous attendons tous, vers un retour à la normal, vers un mieux ; une projection salutaire dans un ailleurs fait de vie et de vibrations intenses.

Nous avons donc volontairement décidé d’arrêter notre listing à 20 titres d’albums ; 20 disques qui ont su bousculer nos âmes dans cette léthargie ambiante ; 20 œuvres qui ont été perçues par la rédaction comme des nécessités. Chacune de celles-ci a été envisagée et sélectionnée à l’aune des autres productions du même genre, appartenant à la même fratrie ; ne vous étonnez donc pas de certaines absences que viendra fièrement combler notre top singles.

Exit les photographies d’un temps, l’onanisme des classements ou les cartes postales d’un millésime. Il ne s’agit de trouver ici que de la frappe, digne de vous rappeler que l’extase est encore possible, et que dans certains cas – comme celui de notre numéro 1 – la qualité met toujours tout le monde d’accord.

#20

Gustaf

Audio Drag For Ego Slobs

On a trébuché par hasard sur Gustaf au début de l’automne sans s’imaginer que leur premier album allait prendre autant de place dans nos petits cœurs. Monté à la va-vite sur les cendres d’un groupe qui n’a jamais réellement décollé, cette formation de Brooklyn a déboulé avec force et fracas en amenant de la fraîcheur dans un genre maintes fois essoré par d’autres, souvent avec beaucoup moins de conviction. De ESG aux Slits en passant par les B52’s, Gustaf compresse dans ses bagages toutes les références ayant réussi à pousser le plus hostile des punks sur le dancefloor, sans se prendre trop au sérieux ni se reposer sur du recyclage facile. Voilà un premier album qui méritait certainement son coup de lumière avant que cette année crapuleuse ne tombe à jamais dans l’oubli.

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#19

La Grande Folie

San Salvador

Hérauts d’un renouveau occitan, les 6 membres de San Salvador, du nom du petit village de Saint Salvadour, en Corrèze, connaissent par cœur le répertoire local. Mais ces trois hommes et trois femmes en livrent maintenant leur propre version, pour voix et percussions. Rien d’autre. On peut penser à Steve Reich ou au post-rock face à ces titres extatiques et minimalistes, où le sens des mots se perd dans la transe. Mais surtout, la musique de San Salvador jaillit directement de l’âme, sans filtre. Sur des morceaux dépassant les dix minutes, avec une intensité démente mais aussi une mise en place parfaite, il n’y a plus de place pour l’individualité, ou même le collectif. Il ne reste que la pure énergie de la musique, à laquelle ils s’abandonnent dans un geste de pure confiance, les uns envers les autres, mais aussi envers ce qu’ils créent ensemble. C’est tout le sens de la modernité : non pas l’ajout de gimmicks récents, mais la compréhension de ce qu’il y a de contemporain dans la tradition. On attend de savoir avec quoi ils pourront enchaîner, car la barre est très haute.

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#18

We Are Always Alone

Portrayal of Guilt

Très belle année pour les Texans de Portrayal of Guilt qui ont profité de l'absence de tournées pour sortir deux excellents albums en 2021. Si Christfucker paru en novembre sur Run for Cover Records nous a bien secoué, c’est surtout son prédécesseur, We Are Always Alone, qui a frappé un très grand coup. Sorti en mars, ce deuxième essai est fascinant de maîtrise et d’innovation. Entre hardcore, screamo, black metal, et powerviolence, il est avant-gardiste tant il rompt toutes les barrières de genres avec une aisance folle. Et comme toutes les bonnes claques qu’on se mange dans la gueule, celle-ci sait se faire rapide et précise quand il le faut, grâce notamment aux plans de batterie fous de James Beveridge et les accélérations de tempo qui sont légion ici. A l’image de cette année finalement, We Are Always Alone est tempétueux dans son déroulement, imprévisible dans ses destinations et sombre dans ses intentions. Savoir se montrer consistant ou novateur sur le long terme est une entreprise complexe mais Portrayal Of Guilt possède déjà toutes les cartouches pour continuer de bâtir une formidable discographie - le genre qui pourrait, à ce rythme, adéquatement accompagner le déclin de notre civilisation.

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#17

PICTURA DE IPSE : Musique Directe

Hubert Lenoir

Faire de l’avant-gardisme tout en restant pop, faire grandir son auditeur en partageant avec lui ses plus grands délires musicaux, voici certainement le crédo que Hubert Lenoir partage avec ses idoles Prince et Kanye. Pourtant, le pari n’est pas simple à relever sur PICTURA DE IPSE: Musique Directe, second album du Québecois qui n’a pas vraiment de points communs avec l’extravagance glam-rock de son précédent LP. Parfois foutraque et déroutant, ce projet aux jolies rondeurs se plait à nous glisser souvent entre les mains. Mais heureusement, jamais il ne nous échappe grâce à un sens de la mélodie et du refrain qui fait souvent mouche, et une personnalité envahissante certes, mais jamais exaspérante. Bref, le disque le plus parfaitement imparfait de 2021..

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#16

Everything Tasteful

Lala &ce

« Nul ne peut retenir le temps, pour l’amour, il s’arrête parfois ». Si cette phrase ne sort pas d’Everything Tasteful mais de la tête de Pearl Buck, première femme lauréate du Pulitzer, ses mots croisent deux thèmes chers à Lala &ce et résument parfaitement le rapport charnel et temporel qu’elle entretient avec la musique. Avec Everything Tasteful, la lyonnaiso-ondonienne pousse le potard de la lenteur par-delà les capteurs, dans les ondulations presque imperceptibles de ses vocalises et l'effacement complet des minces frontières de l'amour, de la sexualité et du plaisir. Le son avant les mots, Lala &ce est pourtant toujours en train de devenir, et maintenant d'être, une des figures majeures du rap français.

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#15

Comfort to Me

Amyl & the Sniffers

Mais quelle formation à guitares australienne allait donc finir dans notre top ? Les stakhanovistes King Gizzard and the Lizard Wizard, les bresoms Tropical Fuck Storm, ou la plus calme Courtney Barnett ? Perdu : c'est Amyl and the Sniffers qui, avec leur valise de riffs, leurs mulets, et leur haleine de cendrier froid, représentent le meilleur du rock aussie de 2021. Mené d'une main de fer par la brailleuse Amy Taylor, le groupe balance du punk bas du front piochant parfois dans le hardcore, saupoudré d'une esthétique garage qui donne encore plus envie de jouer au jeu du glaçon, ainsi que de délicieux solos permettant à tout un chacun de reprendre une gorgée de bière tiède (le délice putain). Grâce à la production de Nick Launay (Nick Cave and The Bad Seeds ou IDLES), la puissance du groupe se raffine sans se retrouver compressée : les riffs tapent plus fort, mais les (légères) subtilités se font mieux entendre et apportent un peu de variété, certains morceaux se rapprochant dangereusement du territoire des bangers ("Security", "Guided By Angels"). Mais au-delà de tous ces éléments, da real MVP est sans conteste Amy Taylor. Ses éructations abordentles injustices de la société australienne, le manque d'amour, ou la peur de rentrer seule le soir - ajoutant à l'ensemble ce manque de sérieux qu'on pouvait lui reprocher par le passé. « If they don’t like you as you are / Just ignore the cunt », voilà le doigt d'honneur le plus jouissif de 2021.

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#14

Tranche de Vie

Souffrance

Dans l’univers des memes, le fameux « That Escalated Quickly » lâché par Will Ferrell dans Anchorman pourrait parfaitement symboliser l’année 2021 du rappeur Souffrance. Un freestyle dantesque à Skyrock en avril, un album impeccable en mai, une participation au projet Classico Organisé de Jul et une interview sur Clique pour clore l’année. Pour un mec inconnu du grand public début 2021, avouez que ça a sérieusement de la gueule. Un sacre qui contraste avec son vécu, raconté sur Tranche de Vie. Car Souffrance n'est pas du côté des vainqueurs, lui se place plutôt du côté des vaincus. Mais pas de ceux qui se laissent marcher sur la tronche, non. Le rap nerveux de Souffrance pourrait être la dernière patate de l'ouvrier dans la tronche de ce fumier de RH qui vient lui annoncer la fermeture définitive de son usine. Le « retour du réel » diront certains. 15 piges que le bougre rappe dans l'ombre, on comprendra dès lors que les 20 titres de ce premier album ne suffiront pas à purger toute la rage enfouie et accumulée durant toutes ces années. Dans cet ode au boom-bap à l'ancienne, pas de morceaux pour reprendre son souffle avec des mélodies sucrées, Souff' est venu pour repeindre ton intérieur en noir du sol au plafond. Souffrance aka MC Soulages.

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#13

SOUR

Olivia Rodrigo

2021 nous a gâté avec la confirmation de deux artistes : Lil Nas X et Olivia Rodrigo. Que cela fait plaisir de voir des one hit wonders délivrer de véritables albums ne reposant pas seulement sur un single au succès planétaire. Si le premier a mis de la pop dans son rap tout en gérant une campagne marketing phénoménale, l'ancienne star Disney a elle confirmé que ses talents de songwriter ne se limitaient pas au déjà trop entendu "Driver's License". Si les paroles ne content - spoiler - que d'adolescentes histoires d'amour à base de trahisons et de regrets, c'est plutôt la capacité de proposer autant de refrains et couplets mémorables qui impressionne, et ce quel que soit l'habillage choisi. On alterne ainsi entre furie indie digne des 90's, les ballades midtempo langoureuses, ou même la confirmation que la nostalgie pour le début des années 2000 est là pour durer avec ce foutu banger qu'est "Good 4 U". Olivia Rodrigo varie de la même façon sa performance vocale, combinant les murmures de Billie Eilish, les harmonies vocales de Lorde, et le songwriting de Taylor Swift. Créer le refrain de 2021, mettre un gros coup de pied au cul de la pop mainstream, le tout en ramenant les guitares pleines de distorsion ? C'est clair, SOUR demeure l'un des meilleurs débuts d'une autrice-compositrice-interprète pop de ces dix dernières années.

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#12

Fire

The Bug

Sur ce disque qui boucle une trilogie entamée en 2008, London Zoo, The Bug reste fidèle à lui-même : en prenant pour point de départ l'état du monde qui l'entoure (il n'a pas donc pas dû forcer son talent en 2021), Kevin Martin produit une nouvelle B.O. de l’apocalypse à venir, et dont la source d’inspiration principale reste cette culture londonienne du riddim et du soundystem. Partant de là, il produit une concoction à base de ragga, de dub(step), de dancehall et de hip hop, et il invite quelques voix amies à venir maximiser le potentiel de sa petite entreprise de destruction massive. La formule est plus instable que la santé mentale de Francis Lalanne, pourtant rarement Kevin Martin ne semble l'avoir autant maîtrisée que sur Fire, disque total qui le voit pousser sa vision jusque dans ses derniers retranchements. On aurait vraiment aimé qu'un disque comme le Day/Night de Parcels soit la parfaite incarnation des douze mois écoulés, mais pas de bol pour l'humanité cuvée 2021, c'est dans Fire qu'elle peut observer son plus mauvais profil.

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#11

Fabric Presents Overmono

Overmono

3 EPs farcis de bangers pour leur propre label Poly Kicks ou le mastodonte indie XL Recordings, une collaboration avec Joy Orbison ou des remixes pour Thom Yorke et Four Tet, un passage remarqué pour la série Essential Mix de la BBC et un mix pour l’institution londonienne Fabric: impossible d’échapper à la machine Overmono en 2021 pour tout amateur de musiques électroniques qui se respectent.
Ce mix pour le club londonien est certainement le point culminant de ce que l’on espère être une « année charnière » dans la carrière des deux frangins Truss et Tessela. En 60 minutes, Overmono nous montre sa capacité à digérer 30 ans de culture club britannique pour en recracher un produit extrêmement digeste et surtout très efficace. La véritable force de ce mix, c’est de parvenir a provoquer un sacré rollercoaster émotionnel, et surtout à nous faire voyager à travers les genres et les époques avec une aisance déconcertante. On ressort avec l’impression que techno, UKG, dubstep et breakbeat sont des genres qui ont toujours été pensés pour cohabiter paisiblement. God Bless Overmono.

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#10

Harlecore

Danny L. Harle

Le 30 janvier 2021 nous apprenions avec tristesse le décès soudain de SOPHIE, productrice de musique électronique de génie, proche de l’esthétique loufoque du label PC Music et icône de l’hyperpop. L’idée qui a guidé toute la carrière de SOPHIE aura toujours été de casser les barrières entre les genres. Dans cette même veine, Danny L Harle a fourni en 2021 un des plus beaux hommages à ce mouvement avec son projet Harlecore. Parcouru d’excentricités en tous genres, l’album renvoie clairement à l’exubérance bien débile de l’eurodance et du (happy) hardcore des années 90. Mais il propose également du gabber bien brutal, et des plages ambient. Danny L Harle assemble avec brio toutes ces influences pas toujours élégantes pour produire quelque chose de très accessible et malin. L’album s’écoute comme on déambulerait dans un festival qui se termine, ivre et euphorique. Une recette qui aurait certainement comblé SOPHIE...

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#9

Promises

Floating Points, Pharaoh Sanders & The London Symphonic Orchestra

Il est très difficile de ne pas tomber amoureux de Promises, de ne pas être au bord des larmes - moins pour ce que peut représenter ce disque pour le saxophoniste de 80 ans que pour l'élégance avec laquelle le silence sublime le bruit. Promises, c'est de l’optimisme trouvé dans quelques verres à moitié vides, c'est une porte ouverte sur l'infinité des possibles, c'est une musique libre, à la lisière de l'écrit et de l'improvisé. De cette rencontre entre un Floating Points qui s’affirme loin de ses machines et un Pharoah Sanders soucieux de faire de cette partition son chant du cygne, on y a trouvé une claque, un voyage somptueux qui conjugue l’émotion et la retenue dans un firmament de beauté. Et le plus beau dans tout ça, c'est qu'on ne l’a absolument pas vu venir. La preuve que même avec un pareil casting, les snobs que nous sommes ne sont pas toujours capables de distinguer une cuillère de caviar d’une autre remplie d’œufs de lump.

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#8

L’Étrange Histoire de Mr. Anderson

Laylow

Avec TRINITY en 2020, Laylow semblait avoir livré son classique. L’album-concept est un des derniers bijoux du rap pré-Covid ; il parvient à s’envoler au-dessus de la mêlée en soudant toutes les émotions et velléités du Toulousain au sein d’un disque unique. Difficile de passer après tout ça. Mais L’Étrange Histoire de Mr. Anderson évite le piège Matrix Reloaded. En piochant dans l’esthétique de Tim Burton ou David Fincher, en proposant des couleurs musicales plus organiques voire old school. L’objectif de ce nouvel opus est simple : raconter les années d’errance du jeune Laylow dans univers bourré de références cinématographiques et de clins d’œil nostalgiques à la pop culture. Quand Lewis Carroll rencontre 50 Cent, cela offre un beau terrain de jeu pour raconter des histoires originales.

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#7

Spectre : Machines of Loving Grace

Para One

Dans son poème "All watched over by machines of loving grace" de 1967, l'écrivain Richard Brautigan imagine un futur où les machines permettent aux humains de retourner vers la nature. Une utopie (à l'époque) qui a visiblement pas mal travaillé l'ex-producteur de TTC pour son premier album en dix ans, qui porte en lui tout son travail de metteur en musique pour Céline Sciamma, mais aussi les germes d'un futur musical en pleine maturation. Quelque part entre tradition et modernité, acoustique et électronique, Machines of Loving Grace est un disque qui voyage entre l'Asie, l'Indonésie, ou encore la Thaïlande tout en gravitant au plus proche des obsessions de son géniteur : on y entend volontiers du Ryuichi Sakamoto, du Steve Reich, ou encore du Geinoh Yamashirogumi. Mais dans la façon dont ce disque respire, dans sa proposition et sa précision, pas de doute : non seulement il s'agit bien d'un album de Para One, mais en plus ce troisième album est probablement son plus beau, et son plus riche à ce jour.

#6

Bright Green Field

Squid

La bataille fut rude cette année, en terre d’Albion. En janvier, coup de semonce du côté de Shame qui lance les hostilités avec leur deuxième album. Dans la brèche, s’engouffrent une triplette de jeunes prétendants au trône, tous mis en selle par le producteur Dan Carey. Entre l’intimidante ambition de Black Midi, l’art-rock épique de Black Country, New Road et le post-punk débridé de Squid, chacun affichait le nombre de trophées nécessaires pour se hisser dans les hauteurs du top. Après deux côtes fêlées et une orbite fendue, un accord de paix fut signé, accordant la place à ces derniers dont l’énergie et l’efficacité ont unanimement convaincu. Littéralement mené à la baguette par la rythmique de Ollie Judge, Squid a confirmé à quel point leur collision claviers/guitares/cuivres était capable d’abattre des murs, tant sur ce premier album que sur scène. Argument ultime : il faut toujours récompenser les groupes portés par une chanteur/batteur. Toujours. C’est la règle.

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#5

Palais d’Argile

Feu! Chatterton

Avec Palais d’Argile, les cinq gaillards de Feu! Chatterton franchissent un cap et font évoluer leur rock lettré (parfois un peu trop écrit ou trop articulé) vers un conte rétrofuturiste dense et flamboyant. Bien sculpté par la French Touch d’Arnaud Rebotini, le disque évoque l’atrophie de nos humanités par la technologie tantôt via des titres dansants aux teintes électro, tantôt par l’intermédiaire de chansons mondes qui lorgnent alors vers Cantat, Ferré ou Brel. Grace à sa richesse musicale et à sa densité thématique, il nous semble que Palais d’argile pourra rejoindre la liste des albums concepts de chanson française (ex : La Superbe de Biolay, Fantaisie Militaire de Bashung) qui ont su faire prendre une nouvelle dimension à leurs auteurs par l’espace de liberté inédit qu’ils se sont octroyés.

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#4

We Are All Alone In This Together

Dave

Deux ans seulement après un album auréolé du Mercury Prize, revoici Dave, toujours bien décidé à faire saigner son carnet de rimes. Et de fait, le titre de l’album et les premiers mots prononcés sur le disque (« I remember when I used to be innocent / Ain’t shit changed, I’m a young black belligerent ») suffisent à délimiter les contours d’un disque qui va osciller entre réflexions personnelles et observations d’une société britannique percluse de maux. Si on peut imaginer que le succès critique et populaire de PSYCHODRAMA n’était absolument pas calculé, on sent qu’il est autrement sur We Are All Alone In This Together. À l’image de ces productions hollywoodiennes dont le timing, le casting et l’écriture semblent pensés pour caresser dans le sens du poil les votants de l’Académie des Oscars, ce second album de Dave pense bien à cocher toutes les cases qui lui permettront de rafler une nouvelle fois la mise, et ce ne sera pas volé. Car derrière les calculs malins du Londonien et de son équipe, il y a un disque bourré d’âme, et qui valorise l’écriture dans le rap comme peu d’autres sauront le faire cette année. De très loin le plus beau grower de 2022.

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#3

Intimate Immensity

Tomaga

Non, on ne lancera pas Tomaga sur les rails du rêve brisé par la mort, on ne dira pas que le duo allait enfin devenir ce qu’il avait toujours pu espérer, et que le prochain disque aurait été le classique du troisième millénaire. Ce n’est pas vrai, et ce qui a toujours été beau dans son histoire, c’est justement cette créativité au présent. Jamais le langage n’a servi à sur-vendre ou sous-vendre leur musique. Jamais Tomaga n’a été autre chose que ce qu’on a reçu à entendre d’eux. Sur cet ultime disque, la créativité de Valentina Magaletti et Tom Relleen atteint cependant une version d'elle-même particulièrement élaborée, et que la batteuse ne pourra pas poursuivre avec la mort de son camarade de jeu. Ce qu'on espère désormais, c'est qu'un subtile mélange de bouche à oreille, de mémoire collective et de rééditions sporadiques permettent à Tomaga de devenir ce qu'ils ont toujours été pour celles et ceux qui ont su les aimer.

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#2

Sometimes I Might Be Introvert

Little Simz

Difficile de se frayer un chemin entre les deux grandes divas de la musique urbaine mondiale que sont Beyoncé et Rihanna quand on parle avec un accent cockney à couper au couteau. C'est pourtant la performance réussie par Little Simz sur ce cinquième album, sorte de To Pimp A Butterfly à la sauce Worcestershire. Avec le classique de Kendrick Lamar, Sometimes I Might Be Introvert partage cet amour pour le storytelling ambitieux et le raffinement de tous les instants. Dix neuf titres à la replay value indéniable dans lesquels la belle met toute sa palette de talents, sortant régulièrement de sa zone de confort dans un disque à la production aventureuse, mené à la baguette d'un bout à l'autre par sa génitrice touche-à-tout qui garde la main-mise sur le produit fini. Un disque qui rendrait fières les Lauryn Hill et Missy Elliott des grands jours.

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#1

GLOW ON

Turnstile

Jamais il n'y a eu autant consensus autour d'un disque dans nos discussions de fin d'année. Déjà largement adoubé par les suiveur·euses de tout ce qui s'est fait de bien en punk hardcore ces dix dernières années, Turnstile a cette année accompli quelque chose de bien plus immense en s’ouvrant grand les portes du succès populaire et critique avec tout ce que cela implique désormais. Car ce n’est plus sujet à débat : Avec GLOW ON, Turnstile a sorti son meilleur disque et réussi à capturer l’attention d’une audience qui ne s’était pas forcément intéressée à ce type de circuit auparavant. Et c’est d’autant plus une bonne nouvelle que le groupe de Baltimore accueille tout le monde dans son pit sans faire de distinction. À la fois cohérente et inclusive, la vision du hardcore prônée par Turnstile démontre à quel point ce genre peut continuer de se transcender sans se renier. Grâce au travail entrepris d’abord avec l'insouciant Non Stop Feeling en 2015 puis le plus audacieux Time & Space en 2018, un disque dont nous saluions déjà l’envie de brouiller les pistes, Turnstile poursuit ses aventures musicales avec un album qui a su totalement réimaginer les codes de ce genre dans lequel le groupe gravite depuis des années. Euphorisant, bourré d’influences diverses, leur nouveau projet montre à quel point Turnstile a toujours eu le feu sacré, en dépit des critiques des puristes. Même s’il ne suffit pas d’ajouter de la pop et de la reverb pour cartonner, les étoiles s’alignent au-dessus de cette œuvre tubesque et irrésistible, conçue avec le cœur, et qui permet à Turnstile de garder la lumière braquée sur eux. Par la force du travail bien fait, d’une authentique passion qui transpire dans tout ce qu’a proposé cette entité depuis son éclosion, mais aussi avec une liberté créative certainement plus marquée que ses pairs, Turnstile s’est offert et nous a offert un grand disque en 2021, une étincelle de bonheur qu'il a parfois manqué dans nos quotidiens chamboulés. Il était encore trop tôt à sa sortie il y a trois mois mais nous avons désormais plus de certitudes : nous sommes en présence d’un game changer, un vrai.

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