Love lockdown #16: Future - DS2

par Ludo, le 29 avril 2020

Un confinement, ça laisse du temps. Du temps pour ranger des trucs, comme les dossiers sur son bureau, son placard à épices ou la pile de draps, mais aussi du temps pour un autre type de tri. Pourquoi ne pas se poser sur son canapé, le regard plongé dans le vide, et laisser sa mémoire choisir un disque pour en parler moins à travers le prisme de la raison que celui du cœur ? Nous, c'est ce qu'on a décidé de faire.

Pour une raison qui m’échappe, j’ai une réelle fascination pour les albums de rap à tendance introspective et cathartique. Pas que ce soit forcément un gage de qualité (le Speedin Bullet 2 Heaven de Kid Cudi est très mauvais), mais plutôt une probabilité plus grande de tomber sur des chefs-d’œuvre comme Atrocity Exhibtion, Blonde ou I Don’t Like Shit, I Don’t Go Outside.

Dans ce registre, le Dirty Sprite 2 de Future occupe une place particulière. Certes, je ne pouvais pas vraiment m'identifier aux problèmes du Nayvadius DeMun Wilburn de 2015: lui essayait tant bien que mal de s’extraire d’un environnement violent où la drogue, la misogynie et le consumérisme étaient les seuls moyens de se distraire et d'oublier le marasme ambiant, tandis que moi j'étais tout peinard dans ma vie d'étudiant.

Mais malgré ce côté détestable qui s'illustrait dès la première phrase de l'album ("I just fucked your bitch in some Gucci flip flops"), j'arrivais à éprouver de l'empathie pour l'homme. Sa sincérité me touchait, je pensais qu'il s'agissait d'une rédemption, d'une manière de se racheter pour ensuite réémerger à nouveau avec des morceaux plus solaires.

J’étais marqué par les trémolos dans sa voix et ses changements de flow, comme s’il plongeait la tête la première dans l’abîme halluciné par une réalité qu’il souhaitait exorciser dans un élan d’invocations rédemptrices. Des phrases comme "Tryna make a pop star and they made a monster" sur « I Serve The Base" avaient même tendance à m'émouvoir. Et que dire des productions tirées au cordeau de Metro Boomin, Southside et Zaytoven, qui donnaient au disque cette atmosphère aussi austère qu'étouffante. Je l'avoue, je prenais un malin plaisir à voguer aux côtés de Future sur cet océan de vice et de luxure.

Aujourd'hui encore, je suis fasciné par le propos ultra-narcissique porté par ce projet. Une fois l'album lancé, difficile de s'en extraire, de lutter contre son magnétisme total. Dès les premiers secondes, on se retrouve comme hypnotisé, happé par le rythme infernal de l'album et les prêches autotunées de Future, tant et si bien qu'après avoir écouté une énième fois Dirty Sprite 2, lorsque vous fermerez les yeux, l'obscurité qui suivra sera encore celle de Future.

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