Dossier

2008-2013 : le goût des autres

par Tibo, le 5 octobre 2013

Chronique par Julien Broquet

Expert en bonnes choses pour Focus/Vif 

Petra Jean Phillipson

Notes on Death

S’attaquer aux tops de fin d’année est l’occasion chaque hiver de s’arracher les cheveux sur un crâne de plus en plus dégarni d’encore jeune trentenaire. Mais ne garder qu’un seul album pour les cinq dernières, c’est à se claquer la tête au mur jusqu’à ce que ce que le voisin appelle les flics pour tapage nocturne. Convaincu qu’on est encore en train de foutre le souk et de faire la bamboula. Alors quitte à faire 'goûter mes disques', mon disque, autant que ce ne soit pas une plaque que les uns ont usé sur leur platine et que les autres adorent déjà détester. Tout ça ne vaut pas une commotion cérébrale, vous le reconnaîtrez.

Née en 1973, à Ashford, dans le Kent, Petra Jean Phillipson est l’une de ces artistes de l’ombre snobées par le business de la musique et injustement inconnue du grand public. Sept ans après son premier effort, Notes on: Love, l’Anglaise sortait en février 2012 son deuxième album, Notes On: Death sur Montpatry Press, autoproclamée organisation d’arts et de musique équitable dont elle co-fondatrice. Elle avait commencé par explorer l’amour sous toutes ses coutures. Phillipson disséquait cette fois la mort à travers un double album à la personnalité singulière. Certes, Petra Jean n’a pas de PJ que les initiales. Noir, le premier volet de son diptyque rappelle les débuts de miss Harvey. Passé "Underworld Tubeophany", introduction de 13 minutes au tuba aussi sinistre et déprimante qu’obsédante, ardue mise en bouche mais porte d’entrée idéale pour pénétrer son univers et mieux s’y perdre, le nerveux et brut "City of Lost Angels" renvoie à celle qui jouait Marie-Madeleine pour Hal Hartley (The Book of Life) et à la formidable Scout Niblett, là où le "3 Men 3 Mothers Dead" a des allures de clin d’œil à Sergio Leone et Ennio Morricone. Même le calme et le dépouillement sur "Noir (Kill You Drink You, Pyrite)" sont électriques et tendus.

Changement de décor. "Imaginary Gentle Place", l’ouverture de Blanc, deuxième partie du voyage, est elle aussi instrumentale mais portée par une harpe. Elle ouvre sur des ambiances plus éthérées et lumineuses où Phillipson semble se promener dans le Jardin des délices de Jérôme Bosch en compagnie de Joanna Newsom, Coco, Rosie et Karen Dalton. D'ailleurs, Petra Jean aime tellement Karen qu’elle a organisé et enregistré en juillet 2006 un tribute en son honneur au Luminaire de Kentish Town. Un enregistrement dont on attend toujours une sortie vinyle. L’Anglaise y est notamment secondée par Simon Tong (The Verve, Blur, Gorillaz, The Good, The Bad and The Queen) qui coécrit deux titres, dont le splendide "Dark Night of the Soul" sur ce Blanc céleste et aérien, à la voix angélique. Sans doute le meilleur morceau, avec "And Lilith Said Unto Adam", de cette promenade aux portes du paradis. Accréditée par le College of Sound Healing, PJ Phillipson est depuis 2010 diplômée en guérison par le son. Un excellent et fort démocratique moyen de vous soigner. Et pour pas bien cher: Notes On: Death, version CD, est en vente à partir de 2 euros 69 sur Amazon.