Dossier

2008-2013 : le goût des autres

par Tibo, le 5 octobre 2013

Chronique par Le Tag Parfait

Ils écrivent très bien ce que l'on pense tout bas.

Matthew Dear

Black City

Qu’est-ce qui fait qu’un album est élu le meilleur de ces cinq dernières années ? Est-il unanimement applaudi ou est-il le témoin d’une époque ? Comme on ne voulait pas éplucher les top de ces dernières années, on a tranché pour un choix personnel, qui correspond à l’esprit du Tag Parfait s’il était transposé en musique.

Black City n’est peut-être pas le meilleur album de Matthew Dear mais il résume un son et un parcours sonore, feuillu, riche et organique. Au croisement des chemins électroniques et pop, il oscille entre solitude et désir. Un imaginaire noir, schizophrénique, urbain et fragile. On peut voir Black City comme une respiration lente et profonde; une bande son idéale sous MDMA, sensuelle, chaude et enveloppante; mais aussi un voyage intérieur interrogatif et dépressif. Il a surtout l’intelligence de photographier une époque sans la laisser jaunir. Celle tellement connectée qu’elle se meut en animal numérique, hédoniste, suintant tout en restant terriblement seule. Cette angoisse permanente qui s’exprime mal et que Souchon décrivait déjà il y a 25 ans comme l’ultra-moderne solitude. L’album combat cette dualité sans réussir à trancher entre le sombre et l’espoir, l’embrasement du corps ou l’explosion mentale. C’est un album complexe mais accessible, dont les obsessions sexuelles sont toujours présentes. Il est fait pour baiser, redescendre, remonter, nager sous l’eau, revenir et se laisser dériver entre les ruelles la nuit.

Mais si on a choisi Black City, ce n’est finalement pas tant pour l’album en lui-même que pour la carrière du producteur, ses avatars et sa recherche de la pop parfaite à travers l'électronique. Un mec capable de faire résonner les hangars avec sa techno minimale puis de sortir une guitare et chanter (mal) une chanson au coin du feu. Il en est tellement humain qu’il régresse au végétal. Il est à l’image de ce que nous essayons de saisir, la richesse des émotions et la complexité de décrire le désir et l’excitation. L’homme n’est pas un animal intelligent, il incarne le doute, cette quête consciente de l'inaccessible. Quand les réponses ne viennent pas, on peut s’allonger et les laisser nous traverser sans tenter de les atteindre. Black City arrive à capter cet état.