Concert

Les Ardentes 2011

Liège, le 7 juillet 2011
par Jeff, le 14 juillet 2011

1995
Vendredi / 16.00 – 16.40 / HF6

Si vous nous lisez régulièrement, vous savez que nous aimons le crew 1995. Et pas qu’un peu. Dans un rap game français complètement sclérosé et opposé au changement, la fine équipe francilienne souffle un vent frais bienvenu. D’autant plus qu’il y a quelques semaines, l’excellent EP La Source est venu en remettre une couche après un beau paquet de vidéos virales.  Aussi, c’est débordant de confiance que débarquent sur scène DJ Lo, Sneazzy West, Nekfeu, Alpha Wann, Areno Jaz et Fonky Flax, portés par un public peu nombreux à cette heure mais aussi compact que déchaîné. Et il ne faut pas longtemps au crew pour se mettre en orbite : une intro bien pompière et un premier morceau incendiaire où chaque emcee a son petit couplet de présentation. Simple mais efficace. Mais là où le crew 1995 se démarque de la meute, c’est certainement dans sa capacité à marier passé et présent avec une rare efficacité. Évoquant souvent le meilleur des 90s, East Coast et West Coast confondues, les productions de DJ Lo ne sonnent jamais passéistes ou excessivement révérencieuses. Et ce n’est pas tout. L’arme fatale de 1995, c’est évidemment sa main d’œuvre, jeune et dynamique. La variété des flows et des styles est une valeur ajoutée évidente qui, combinée à une alchimie totale sur scène, propulse instantanément l’équipe 1995 sur une autre galaxie – on a un petit faible pour le filiforme et volubile Sneazzy West en ce qui nous concerne. En quarante minutes seulement, et malgré un son qui laissait penser que l'ingé avait été s'enfourner un pain saucisse pendant la balance, ces six gamins ont confirmé tout le bien que l’on pensait d’eux, rappelant l’enthousiasme et la fraîcheur dégagés à l’époque par les premières apparitions du Saïan Supa Crew. On leur souhaite évidemment d’atteindre les sommets de leurs aînés dans les mois et années à venir…

Wu-Tang Clan
Vendredi / 21.40 – 22.40 / Open Air

Cette année, dans sa tradition d’amener de la pointure hip hop à son affiche (quand ils n'annulent pas comme Lil Wayne, Joey Starr ou Drake les éditions précédentes), Les Ardentes ont invité le Wu-Tang à jouer les figures de proue du son ghetto à Liège. Énorme concert, qui rime avec énorme déception potentielle. Avec une demi-heure de retard – le temps de caser les dizaines de prostituées, avocats et roadies en backstage – le crew de Staten Island débute façon Late Night Show With David Letterman : ça court à gauche, ça beugle à droite et ça sue en face. Au rang des absents, on compte le RZA et Raekwon, deux grosses pertes qui s’accompagnent d’une troisième, aussi malheureuse que totalement lolante. Le GZA – à qui on avait pourtant déconseillé de tirer sur le six-feuilles de Method Man – a traîné sa vie comme une âme en peine, ne sachant même plus sur quel continent il jouait, à se frotter les yeux et à simuler un semblant de présence sur scène. Wu-Tang Clan Ain't Nothing To Fuck With, définitivement. Sinon, le constat est classique avec le Wu, tout se joue à l’énergie – mention spéciale à Method Man et Ghostface Killah. On se dit qu’on tient un bon groupe de scène, et une machine de guerre quand la fine équipe des chiens fous lâche un de ses nombreux tubes. Dès que le groupe joue, la moitié du festival se trouve un passé de thug, à hurler « Wu Wu Wu » en imitant ce qu’elle pense être la célébration de but d’Axel Witsel. Dernière chose, on cherche toujours, après quinze ans d’écoute, le mec qui nous apprendra à faire la différence entre Cappadonna, Masta Killah et U-God. Il faudrait peut-être penser à les fusionner en un seul emcee afin d’éviter les confusions. Ce n'est pas comme s’ils ne servaient à rien en plus.

Joris Voorn/Technasia/Ben Klock
Vendredi / 00.30 – 05.30 / Aquarium

Les amateurs de musiques électroniques n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent ces quatre jours, c’est un fait. En guise de pommade, l’organisation a calé la soirée du vendredi comme un plat bien consistant : Art Department/Mondkopf/Dj Koze/Agoria/Joris Voorn/Technasia/Ben Klock, dans l'Aquarium. De quoi faire payer son corps le lendemain, au moment de se lever avec trois lombaires en moins, à l’ancienne. Interview d'Agoria à une heure très tardive oblige, on se contentera de parler des trois derniers producteurs, incarnant parfaitement cette soirée de qualité.

Bon, on le dit depuis un paquet de temps, mais Joris Voorn, c’est un peu LE mec. Depuis son dernier album – l’excellent From A Deep Place – et son ambitieuse sélection pour la série Balance, le Néerlandais est au sommet de son art et du game, réinventant l’art d’une deep-techno qui voyage, pleine, colorée et pourtant toujours insoumise. Après une heure et demie de set, on en vient à regretter que son effort n’ait pas duré quatre jours. Une démonstration qui a tué le business ce soir-là.

On passe en vitesse sur la page Technasia : un retour sur les planches qu’on n’attendait pas vraiment mais surtout une logique musicale qui n’a pas bougé d’un poil. Même archétype d’une techno old school qui lamine, aucune pause, un vrai travail de daron qui part droit dans les gencives. Charles Siegling nous a convaincus de nous pencher sur son récent dernier album. Ben Klock commencera lui pied au plancher, avec un premier tiers de set aux kicks secs et rêches. Conforme à la tradition de son Berghain adoré, l’Allemand ouvrira les vannes d’une techno froide, brute et légèrement indus. Un vrai travail d’assassin qu’on connait maintenant sur le bout des doigts : tu prends deux sacs de sable de 25 kilos chacun, tu te les cales sur les épaules et tu te débrouilles comme tu peux pour bouger tes quilles pendant une heure et demie. En bref, une vraie bonne soirée. Dommage une fois de plus que les amateurs de techno doivent se payer des mecs qui paradent toutes les cinq semaines dans nos vrais clubs préférés.