When It's Dark Out

G-Eazy

RCA – 2015
par Jeff, le 16 décembre 2015
6

Plutôt dans l’année, on n’avait pas complètement pris notre pied en écoutant le Dark Sky Paradise de Big Sean. C’est pas que le disque était mauvais, loin de là. C’est juste qu’on avait l’impression que le emcee se faisait manger tout cru par ses nombreux invités. Écouter un album de G-Eazy est également une expérience très paradoxale, voire un peu embarrassante. Mais ici, il n’est pas question pour le beau gosse d'Oakland de se faire voler la vedette par ses meilleurs bros, mais plutôt de donner la désagréable impression d’avoir pondu un album d’imitations, et non un disque de rap à proprement parler. Surtout qu’à la base, on parle déjà d’un artiste que l’on avait décrit il y a quelques semaines comme le chaînon manquant entre Macklemore et Mac Miller – rapport à sa filiation avec la famille bidon des « rappeurs blancs ». Cette comparaison un peu hasardeuse (mais finalement très parlante), on avait pu la faire sur la base d’une poignée d’extraits de When It’s Dark Out, le deuxième album du Californien. Mais à l’écoute du disque dans son intégralité, on comprend que la palette d’imitations dont est capable Gerald Gillum est bien plus large que cela – on pense à Big Sean d’abord, à Mac Miller évidemment, mais aussi à Drake ou Kendrick Lamar. En gros, à peu près tout ce qui a cartonné ces douze derniers mois. Ce qui ne serait pas dérangeant (voire remarquable) si on était dans un one man show, et non sur un album de rap. Car cette propension à singer (volontairement ou non) les meilleurs poids lourds du moment éclipse totalement les nombreux talents de rappeur de G-Eazy, ainsi que sa capacité à façonner des productions très efficaces (on pense à l’introspectif « Sad Boy ») ou à s’entourer des bonnes personnes pour accoucher d’un disque de hip-hop prévisible certes, mais finalement plutôt bien fourni en singles qui n'attendent que la heavy rotation sur ton iPod et les radios spécialisées – et on se doit de souligner ici le travail de gens comme le cœur de guimauve Cashmere Cat, la conscience trap Southside ou le très bankable Boi-1da qui sample très efficacement le "Gypsy Woman" de Crystal Waters sur "Of All Things". Y'a pas à dire, G-Eazy a énormément de talent. À l'heure actuelle, il manque juste cruellement de personnalité. Trop lisse, trop poli, parfois un peu trop sentimental, le personnage a encore besoin de fêlures, d'excès et d'expériences pour se réaliser pleinement. Mais quand on voit les fulgurances dont il est capable sur le disque, on se dit qu'il a le potentiel pour être un jour à la hauteur de certaines de ses modèles à qui il rend ici hommage de manière parfois un peu gênante. Bref, malgré la déception que représente When It's Dark Out, on va continuer à suivre sa carrière de très près. C'est toujours ça de pris pour lui.

Le goût des autres :
6 Ruben