Loot

Filastine

Jarring Effects – 2012
par Aurélien, le 13 juin 2012
6

Entre ses participations rythmiques au sein de l'Infernal Noise Brigade ou encore de ¡TchKung!, Grey Filastine est le genre de type qui enchaîne les projets live et autres collaborations brise-frontières de haut vol, puisant une intarissable inspiration dans les déviances musicales de ce nouveau siècle autant que dans les méandres de la musique traditionnelle arabe ou brésilienne. Eternel révolté au service d'une musique profondément grondante – pas étonnant que le producteur de L.A. ait attiré l'attention d'un autre type qu'on adore, DJ /Rupture – on attendait avec impatience de jeter une oreille à Loot, troisième album du bougre et qui fait suite à Dirty Bomb et son raz-de-marée «World Electro Broken Beat Hip Hop».

Pour Loot, exit les breakbeats à l'orientale ou les expérimentations rythmiques à outrance. Place à un grain dubstep cradingue aux rythmiques tribales pour un résultat qui évoque une rencontre inattendue entre l'attitude décomplexée d'une M.I.A. sortie du bled et les ambiances délicates d'un Amon Tobin sous hash, période Foley Room. Plus accessible que ses deux autres albums Loot voit Filastine troquer son formidable savoir-faire altermondialiste contre un son massif mais moins mental et bien plus rentre-dedans. Certes, sa musique perd un peu de ce doux parfum de printemps arabe qui nous mettait les yeux en sang mais conserve son exceptionnelle pertinence et sa rugueuse efficacité. Car Loot, s'il est un produit qui consacre une certaine prise de libertés  en mettant l'accent sur les vocalises (« Colony Collapse », « Gendjer 2 ») ou les bangers pachydermiques (le martial « Skirmish » , « Lost Records »), reste un album inscrit dans une stricte continuité discographique et doué d'une narration aussi cohérente qu'infaillible dans laquelle les beats et les ambiances feront leur petit bout de chemin préférant, une fois n'est pas coutume, concentrer leur action sur les nuques plutôt que sur les consciences politiques. Pas exactement ce qu'on attendait, mais pour le coup on se prend la torgnole avec un sourire non dissimulé, et on réclamerait presque les intérêts.

Il y avait fort à faire pour égaler un Dirty Bomb qui avait jusqu'alors fait figure de référence, mais c'est finalement le ton un brin bourrin de Loot qui l'empêche de jouir du même impact multiculturel que ses prédécesseurs. Galette moins révoltée que festive, ce troisième album reste toutefois une classieuse porte d'entrée vers l'univers violent, activiste et profondément iconoclaste d'un producteur bien dans son temps et doué d'une finesse et d'une versatilité qui manque un peu à des types comme Diplo en ce moment.