King's Disease III

Nas

Mass Appeal – 2022
par Tariqg, le 28 novembre 2022
7

Plus de vingt-huit ans après la sortie du mythique Illmatic, il n'est pas honteux d'affirmer que Nas n'est plus  un artiste que l'on attend au tournant en 2022. Il faut dire que depuis la fin des années 90, il alimente régulièrement une discographie  inégale, les albums mémorables succédant à des choses terriblement anodines. Quant à son public, il s'est rétréci en vieillissant, tant et si bien que dans le rap de 2022, Nas est presque devenu un artiste de niche dont on vénère le passé et réserve une indifférence polie aux nouveaux projets.

Mais fidèle à une carrière en dents de scie, voilà que le MC revient avec King's Disease III, un disque ambitieux, abouti et complet, qui clôture une trilogie dont les deux premiers volets n'avaient pas déchaîné les passions - à juste titre se permettra-t-on de dire. On retrouve ici un Nas ragaillardi (ce qui relève de l'exploit après une carrière aussi longue), toujours animé par cette volonté d'en découdre au micro, dressant une sorte de bilan assez poignant et touchant. Tout au long du projet, il y célèbre ainsi la manière avec laquelle il a su évoluer et progresser avec le temps, aussi bien sur le plan créatif que personnel, et revient énormément sur ses débuts, sa jeunesse et son adolescence, pour retracer son parcours de manière non-linéaire.

Nas utilise alors ses éternels talents de stroyteller pour rendre hommage à son stomping ground et évoquer son enfance dans le Queens. Il aborde également avec brio des thématiques comme la vieillesse et la vulnérabilité, et cette nostalgie est appuyée par les productions d'un autre inoxydable du rap américain, Hit-Boy. Celui que l'on réduit trop souvent à l'instrumentale du mythique "Niggas in Paris" démontre une fois encore toute sa maîtrise du kick et sampling, et travaille une matière variée, ce qui permet à Nas de nous montrer toute la versatilité de son art (il va jusqu'à s'essayer à la trap sur "30"). Le duo fonctionne à merveille et une alchimie magique s'en dégage, même si la comparaison faite avec Michael & Quincy dans le morceau du même nom reste assez osée.

D'aucuns continuent de penser que Nas n'est plus légitime, qu'il est une sorte de turbo-boomer. On pense notamment aux récentes piques de 21 Savage, plutôt gonflées venant d'un artiste ayant réussi à être transparent sur l'album collaboratif de l'année. Or, le parcours de Nasir Jones doit forcer le respect, surtout quand on sait que les artistes qui se sont fait connaître à son époque sont soit morts, soit en train de profiter d’une retraite dorée dont ils ne sortent que très rarement - et c’est peut- être mieux ainsi. Bien que l'album soit un peu trop long pour que Nas puisse nous captiver d'un bout à l'autre (le dernier quart est clairement dispensable), écouter King's Disease III reste un plaisir : celui de voir l'un des plus grands rappeurs de son époque en prendre énormément. Nas, The world is still yours.

Le goût des autres :