Bridge Carols

Laura Gibson and Ethan Rose

Baskaru – 2010
par Simon, le 9 mai 2010
7

Voilà une rencontre qu'on n'attendait pas forcément mais qui sur papier sent bon le chef-d'œuvre. Dans le coin droit, Ethan Rose continue de faire parler de lui pour son travail dans les B.O. de films (on l'a remarqué dans ses œuvres pour Gus Van Sant) et son obsession pour les instruments de musique anciens. Dans le coin gauche, un poids lourd du folk à fleur de peau : Laura Gibson et sa voix d'enchanteresse qui rappellera Feist ou Joanna Newsom. Mais Bridge Carols est avant tout le disque de la fusion entre deux artistes attentifs, patients et particulièrement talentueux. Inspiré par la voix de Laura Gibson, Ethan a commencé à dessiner une trame de fond susceptible de sublimer les intonations de l'Américaine, tandis que cette dernière a sorti les cahiers de note, les poèmes, les vers laissés sans suite pour les replacer de manière éparse sur les sentiers découpés par son collaborateur d'un disque.

Agissant comme un nouveau filtre, le travail de nos deux spécialistes du charme romantique va reprendre cette matière première pour y intercaler de nouvelles vocalises et de nouveaux arrangements électroniques. Et l'auditeur ne s'y trompera pas : on tient bien là une merveille de folk naturaliste à gros renforts de rêve électronique, qui montre la voie à suivre pour mieux prendre les chemins d'une prose mise en musique avec soin et doigté. Et le travail de fond qui consistait à raffiner les compositions par étapes se révèle payant tant il est difficile de voir qui de l'électronique (bien aidée par des guitares poussiéreuses) ou du lyrisme vocal entraîne l'autre dans la danse. Tout est imbriqué avec une précision qui rend cette demi-heure de musique réellement attirante, allant jusqu'à se prendre des libertés subtiles au niveau des arrangements.

Tout sent ici l'obsession des auteurs pour les ambiances boisées, les souffles d'airs chauds et les après-midi à glander dans l'herbe. Bridge Carols est une arrière-boutique d'antiquaire qui révèle une petite porte entre deux meubles vieillissants, porte qui ouvre directement sur des champs de blé en plein paysages montagnards. C'est cet aspect bucolique et aéré qui donne à cette collaboration une saveur particulière, la justesse du ton général assurant à ces neuf morceaux de rêve éveillé de ne jamais tomber dans le pathos pour toujours finir avec un bon goût en bouche. Un disque tout en réserve, qui se refuse à minauder comme certaines folkeuses le font si bien pour atteindre un vrai niveau d'introspection. Mélancolique, justement placé et très beau.