Canyon Songs

Perry Blake

 – 2007
par Popop, le 24 février 2007
8

C’est triste à dire, mais depuis quelques années, la carrière de Perry Blake ressemble à une véritable descente aux enfers. Depuis son divorce avec le label Naïve en 2004, quelques mois seulement après la sortie du superbe Songs For Someone, le crooner irlandais peine à reprendre pied. Il y eut d’abord la sortie en catimini de The Crying Room, un court recueil de morceaux épurés à l’extrême, disponible pendant plus d’un an via son site Internet avant d’être distribué à plus grande échelle (tout est relatif) l’an passé par Warner Music. Puis il y eut cette tournée européenne annoncée mais jamais organisée, à l’exception d’une unique prestation parisienne au Café de la Danse. Et enfin, il y a ce sixième album, Canyon Songs, disponible depuis quelques semaines (sur son site uniquement pour la seconde fois d'affilée) et qui semble une nouvelle fois voué à l’indifférence générale.

Mais malgré toute l’estime que l’on peut porter à l’artiste, la démarche est pour le moins étrange : une sortie précipitée pour un nouveau virage musical, sans aucun plan marketing à l’exception de quelques messages postés sur un forum, c’est à la limite du suicide commercial. Ajoutez à cela une pochette hideuse, à peine digne d’un apprenti designer touchant pour la première fois à Photoshop, et vous obtiendrez le parfait repoussoir. Le résultat ne s’est pas fait attendre : les fans de la première heure se sont sentis floués par ce caprice artistique et ce disque qui sonne comme le petit frère du très décrié California de 1999. Loin de la préciosité des débuts, loin de ces classiques croonés au piano, tout ici n’est qu’affaire de banjo, de pedal steel, de cordes et de country. Un vrai petit ‘western spaghetti’ de poche fantasmé par l’Irlandais qui n’a pourtant jamais posé les pieds au far-west.

Voilà donc pour le tableau. Les puristes ont déjà arrêté de nous lire et sont retournés pleurer sur leur copie de Still Life. Maintenant que l’on est entre nous, si l’on s’extirpe un instant de toutes ces considérations fort peu musicales et que l’on écoute ces neuf titres à tête reposée, une tout autre réalité apparaît : Canyon Songs est le meilleur album de Perry Blake . Bon OK, je force volontairement le trait pour titiller les allergiques, mais on n’en est pas loin. En tout cas, en optant pour une tonalité plus directe, moins maniérée, le bonhomme se débarrasse de son image de chanteur triste et s’ouvre de nouveaux horizons plus excitants que ceux esquissés sur The Crying Room. Ainsi, "Gemini" pourrait bien devenir le tube que n’a jamais été "This Life" si les radios y mettent un peu de bonne volonté et "Something Still Reminds You", avec sa dramaturgie toute cinématographique, est la preuve que l’on peut encore utiliser intelligemment les violons dans la musique moderne.

Bref, il y a de la vie au détour de ces chansons et c’est à la fois un bonheur et un soulagement de voir le chanteur sortir de l’impasse dans laquelle il semblait s’être engouffré tout seul. Allez, un nouveau label, un single défendu par une poignée de concerts et tout sera pardonné – même cette hideuse pochette.