The Idler Wheel

Fiona Apple

Epic Records – 2012
par Pauline, le 30 juillet 2012
9

À force de compter les jours, de teaser et d’attendre fébrilement le nouvel album de Fiona Apple, The Idler Wheel Is Wiser Than the Driver of the Screw and Whipping Cords Will Serve You More Than Ropes Will Ever Do (elle a toujours eu un goût pour les titres à rallonge), celui-ci n’a pas fait le bruit escompté à sa sortie. Juste un petit 9/10 amplement mérité sur Pitchfork, et un clip featuring un poulpe qui a fait son petit buzz. Mais cette sortie tant attendue va bien avec le statut de The Idler Wheel, d’emblée vu comme un album maudit, impossible à finir, sans cesse repoussé, né dans la douleur après sept ans de gestation. Et précédé d’un petit chef d’œuvre difficilement surpassable, Extraordinary Machine.

Idler Wheel n'est sûrement pas l’album de la consécration attendu – chacun des disques de Fiona Apple étant déjà une réussite suffisante –  mais bien son album le plus névrosé, le plus torturé. Et le plus sincère. L'Américaine annonce d'emblée la couleur, dans son premier single "Every Single Night". "Every single night's a fight with my brain" scande-t-elle. L'album, lui, est presque conceptuel, entièrement centré sur l'artiste et son incapacité à vivre en couple ("And I can love the same man, in the same bed, in the same city, but not in the same room"). Et, malheureusement pour elle, on aime la voir souffrir, parce que poussée dans ses retranchements, Fiona Apple est capable des plus belles fulgurances. Et la folie non maîtrisée de ce Idler Wheel laisse, comme jamais, libre cours à son talent de songwriter. Qu’il est beau alors de la voir partir dans tous les sens, d’un "Jonathan" posé à un "Hot Knife" final sublime. Un chant complexe, où elle déroule ses mille voix, petit précis de magie noire magnétique.

Et puis Fiona Apple fait coïncider les mots et les sons comme personne. Et ici, justement, elle a rangé la machinerie, mettant les mots à nus. Exit les cordes, les arrangements fancy et le groupe l'accompagnant sur Extraordinary Machine. Ici, c’est Fiona Apple, seule, ses ongles rongés, ses doigts qui martèlent le clavier, et des seaux de rage et de sang. Et rien d’autre. Soit, la production est moins impressionnante, et la perfection méticuleuse qu’Apple semblait apprécier par le passé s’est érodée. Mais malgré tous les chemins tortueux qu’il prend, le disque est plus humble, il laisse une place à autre chose. Le piano s’occupe de catalyser son énergie. L’album est une seconde peau, il respire, rageusement, peut-être, mais d'un souffle de liberté. Il transpire aussi, il saigne. Mais il vit, encore plus intensément. Fiona Apple s’est laissée oublier. Elle a pris ce luxe incroyable de garder sept ans pour livrer le meilleur album possible. Une leçon précieuse en 2012.  

Le goût des autres :
7 Laurent