Swim

Caribou

City Slang – 2010
par Serge, le 18 mai 2010
6

Pour les uns, ce sera assurément l'un des grands albums de l'année. L'un de ceux qui offre un instantané précis d'un certain air du temps, qui tente le crossover ultime entre culture électronique et influences folk, psychédélisme indie et recettes de la house la plus club (TB 303, piano...). Swim de Caribou, c'est Pantha du Prince chez Animal Collective, la house baléarique revisitée par Pitchfork Media. Ca sonne comme sonne un best of du label Kompakt dans la tête d'un musicien de, mettons, Four Tet ou Jagga Jazzist. Il y a de l'intelligence, des idées, de l'émotion et même des trompettes. C'est extrêmement riche, évidemment davantage que 90% des disques destinés à faire danser; ces galettes qui ne se contentent souvent que de jouer à partir de recettes éprouvées et maîtriser le contrôle des stimuli liée à l'ingestion de drogues (hop, une montée; hop, un break qui déchire...). Bref, c'est du travail savant, apte à se faire tresser les louanges par les amateurs de richesses musicales.

Pour d'autres, ce n'est qu'"Odessa", le single, qui est en fait la véritable claque. Pop sans être pute, il y a là-dedans de l'acid, de la mnml et du balléaric sans que cela ne soit jamais que de l'acid, de la mnml et du balléaric. Ce morceau est continuellement en équilibre précaire tellement il s'y passe des choses et c'est curieusement ce qui fait sa force. C'est aussi ce qui fait la faiblesse de l'album, tant le reste semble bien pâlichon à côté de ce monument. Tant le reste sonne sage, voire même un peu chiant, voire même carrément raté. Alors qu'"Odessa" est un morceau qui transporte tout sur son passage, le reste du disque navigue entre lourdeurs (attention l'eurodance, par moments...) et démonstration. A brasser trop d'influences, trop d'idées, trop de structures, trop de trop, ça devient vite n'importe quoi, indigeste, ennuyeux, éparpillé... Ou alors, c'est moi qui ait les oreilles déformées par trop de minimalisme et de tapage régressif. Quoi qu'il en soit, voilà : là où certains voient richesse et maîtrise, je m'emmerde et ne retiens de cet album qu'un single dévastateur ("Odessa", donc), un mid-tempo classieux ("Hannibal"), un relativement plaisant exercice de style à la Ellen Allien ("Sun") et une décalcomanie pas honteuse de Pantha du Prince ("Bowl").

Le reste, je comprends que cela puisse plaire. Ce n'est même pas scandaleux que cela plaise. Mais je peux aussi comprendre que cela ne plaise pas, cette goulache; que l'on puisse même estimer ridicule que certains indie-kids apprécient ceci parce que c'est sensé être mélodique et musical alors que c'est avant tout de l'electro pas toujours très finaude enrobée d'une fausse couche de respectabilité intellectualisante. Que c'est appliqué, sage, Ikéa. Que ça manque de pillules, de poudres, de sexe, de poils. Que cela ne retourne pas assez le cerveau des gens n'y connaissant rien au solfège. Et si la musique faite pour danser ne retourne pas le cerveau au premier venu, à quoi bon, je vous le demande?

Le goût des autres :
7 Nicolas 5 Julien 8 Thibaut 7 Julien L 8 Laurent 5 Maxime