Piteous Gate

M.E.S.H

PAN – 2015
par Bastien, le 11 octobre 2015
7

Le présent album a occupé quelques discussions animées entre gens de bonne condition comme au temps des salons littéraires. À ce détail prêt qu’on parlait de musique électronique et pas du dernier Flaubert, que l’absinthe était remplacée par de la Jupiler et que le véritable divertissement était FIFA 15 et non la toilette de la Comtesse de Pletinckx. Rien de mieux donc comme cadre pour gloser sur le sujet qui va nous intéresser : Piteous Gate de M.E.S.H. Peu connu il y a encore quelques temps, la nouvelle égérie du label berlinois a fait ses armes avec le très bon Scythians qui ancrait James Whipple dans l’esthétique actuelle de PAN. Esthétique qui se détourne en partie de ses racines électro-acoustiques pour s’avancer vers des horizons plus « dance music » avec toutes les précautions qu’impliquent ces guillemets. La recette actuelle de PAN devient bien connue : à partir d’un style bien balisé comme la techno, la jungle ou le dubstep, le résident de PAN prend un malin plaisir à en détourner les codes, les pervertir et pondre un nouvel objet. Lee Gamble et son Koch en sont d’ailleurs les plus parfaits exemples. M.E.S.H reprend à son compte le procédé, pour passer la UK bass, le grime et la jungle à la moulinette de manière brutale. Mais avant de rentrer dans les détails et de s’étaler sur la construction de l’album, il faut mentionner le véritable joyau de Piteous Gate : son sound-design de boucher. M.E.S.H taille dans la matière sonore comme un samouraï, envoie des basses par camions entiers et torture les beats grime et jungle comme personne. Aucun doute là-dessus, le petit James sait utiliser ses softwares pour mettre du sang sur les murs. De gros blocs de sons que l’on se prend en pleine gueule et qui font la force de la plupart des morceaux, notamment les pépites « Thorium » et « Epithet ». 30 minutes intenses mais qui malgré l’indéniable puissance qui suinte par tous les pores laissent un goût de trop peu. On s’explique : cette force dans la construction des structures sonores est peut-être aussi la plus grande faiblesse de Piteous Gate. Car une fois prise la raclée initiale, ce premier LP de M.E.S.H ne semble être qu’un exercice de pure forme en manque d’une grosse narration qui pourrait nous faire basculer. Tout ça reste trop clinique, trop maîtrisé et trop froid pour nous faire bander. On se retrouve donc avec une demi-molle devant Piteous Gate, partagé entre l’impossibilité de rester totalement insensible devant un tel monstre de sound-design et de structures sonores mais sans l’envie de ressortir cette galette tous les quatre matins. 

Le goût des autres :