Lucky Boy

Dj Mehdi

Ed Banger – 2007
par Simon, le 17 avril 2007
7

En tant que petit protégé du fameux label Ed Banger, la réputation de Dj Mehdi, Mehdi Favéris-Essaddi de son vrai nom, n’est plus à faire. Producteur de renom, il collectionne les collaborations avec les plus grands du hip-hop : Idéal J, Assassin, Mc Solaar ou encore 113, mais il se paye également le luxe de sortir en 2002 (The Story of) Espion, album plébiscité pour son éclectisme et ses références délicieuses. En effet, le cocktail d’influences servi par Mehdi à l’époque faisait de lui une référence en la matière : hip-hop, funk, jazz, soul ou encore rock sont passés à la moulinette pour accoucher finalement d’un ovni plus que plaisant. Pour son passage sur Ed Banger, Dj Mehdi nous gratifie d’une nouvelle livraison modestement appelée "Lucky Boy" (car le monsieur a compris que pour un artiste comme lui sur le devant de la scène, cent autres restent sur le carreau).

La recette ne change pas énormément, on assiste à 45 minutes d’un funk mutant sur fond de gros beat bien efficace, à la seule différence (et pas des moindres), que l’attitude a été digitalisée, « Edbangerisée » si j’ose dire ; loin de l’intimisme de (The Story of) Espion, Mehdi opte pour une attitude radicalement opposée, jouant plutôt la carte de l’universalisme sonore pour un résultat final qui dépendra des espoirs qu’on avait placés en lui à la sortie de l’opus précédent. Jamais le paradoxe ne fut plus grand, on retrouve un Dj Mehdi en pleine confiance, avec des nappes digitales qui envoient bien comme il faut quand il le faut ("Signatune"), des ambiances urbaines à tendance rétro qui claquent au possible ("Always Be an Angel" et sa version revisitée du générique des drôles de dames), le tout servi sur une sauce dance floor assez efficace je dois dire ("Saharian Break", "Pony Rocking" en compagnie de l’ami Feadz) ; le tout est briqué à l’extrême, lustré à souhait, tout ça fleure bon la technologie et pourtant l’ensemble sonne relativement creux à mes oreilles, jamais la musique du producteur ne m'a parue si « déshumanisée », et il est difficile d’imaginer un homme à la tête de cette entreprise tellement tout semble si bien réglé, tel du papier à musique. On est loin du sentiment de contact relativement proche que pouvait nous offrir des titres comme la piste étoilée, par exemple, sur l’album précédent (d’ailleurs cette émotion ne pointera jamais le bout de son nez tout au long de Lucky Boy). C’est même sur les titres les plus dépouillés qu’il faudra se pencher pour aller chercher les plus belles pépites de cet album, le titre "Leave it alone" marquera sûrement les esprits à l’aide de son funk minimaliste et pourtant décalé qui respire le hip-hop à plein nez ou encore "Lucky Boy", ballade rêveuse aux sonorités organiques, planante et diablement moderne.

L’album passe, et la surprise aussi. Pas foncièrement mauvais, ni réellement excellent, cet album sonne à mes oreilles comme une semi-déception au vu des performances affichées par le producteur 5 ans auparavant. Il reste néanmoins un très bon album, facile à ingurgiter, idéal pour les soirées agitées, où les esprits ne se posent pas tant de questions qu’ici. Il est dommage de voir combien le passage de Mehdi dans cette nouvelle équipe a amputé nos espoirs investis dans la suite de (the story of) espion. Est-ce là les premiers signes du phénomène Ed Banger, favorisant moins l’expression strictement personnelle de l’artiste que la tuerie absolue recherchée par une foule de kids prêt à en découdre avec le dance floor ? Eternel grincheux que je suis me direz-vous ? Vous avez sûrement raison, je me rattraperai sur le prochain Uffie.

Le goût des autres :
6 Jeff 8 Julien 8 Soul Brotha