Leaves You Puzzled

At The Close of Everyday

Volkoren – 2007
par Simon, le 14 juin 2007
9

Ce n’est pas la première fois que nous avons à faire avec At The Close of Everyday. Leur album précédent, De Geluiden Van Weleer (Het Liedboek Voor De Mensen), s’était vu porter dans la cour des grands par une bonne partie des chroniques de l’époque, émerveillées par le pouvoir évocateur de cette musique à la croisée des chemins entre folk et post-rock à tendance tristounette. Le mérite est d’autant plus grand que ce groupe suit une évolution qui est pour le moins sinueuse : après avoir élargi au maximum la distribution de ses albums en allant jusqu’à s’exporter aux Etats-Unis, il a suivi une logique toute inverse en resserrant ainsi la distribution de leurs productions ultérieures à son minimum le plus strict (Hollande, Belgique, France...). Pour le cinquième album donc, ces Hollandais prennent là un double risque : toucher un public volontairement restreint avec quinze titres entièrement remis à jour pour l’occasion. Dans le coffret, pas de livret, juste quinze pièces, une pour chaque titre assemblant ainsi un puzzle de niveau de difficulté frisant le zéro. Toute une symbolique.

At The Close of Everyday laisse carte blanche donc à des artistes plus ou moins connus (Hood ou encore Sylvain Chauveau pour les plus célèbres) pour réinterpréter les plus belles pépites pondues au cours de ce qu’on peut maintenant appeler sans hésitation une carrière bien étoffée. La première piste enclenchée et nous voilà pris dans une nappe aride et monocorde qui installe d’emblée un climat inquiétant, post-apocalyptique pour mieux nous mener à une seconde piste tout simplement magnifique. En effet « O, Welke Een Vreugde », coule sur une nappe electronica solide, entrecoupée de râles digitalisés et portés en apesanteur par un piano dont la mélodie ne sera pas sans rappeler un certain Aphex Twin, magnifique. On se demande si le disque a vidé toutes ses cartouches d’entrée de jeu, qu’il va être difficile d’assurer le niveau après une si belle pièce mais « Rain Or Shine » enchaîne aussitôt sur une pop futuriste de grande qualité aux accents proches de Tahiti 80. C’est candide et pourtant on sent déjà ici une certaine nostalgie dans ces airs faussement naïfs, comme si le groupe jouait à brouiller les pistes. Les titres se succédant, on prend un plaisir grandissant à découvrir un disque émergeant au fil des titres vers des contrées plus familières aux aficionados de plages plus instrumentales, mais pas moins mélancoliques pour la cause. La voix nous murmure aux oreilles des mélopées fragiles, pleines de douleur, et quelque soit la langue empruntée (néerlandais ou anglais), le charme opère en toutes occasions. La journée de At The close of Everyday se poursuit avec, entre autres, un effort electro plus rythmé, jusqu’à l’arrivée d’une voix désespérée, débordante de solitude qui passe et qui disparaît aussi vite pour un résultat final étonnant mais tellement juste (« The Drive-Way »). Les titres s’enchaînent sans interruptions, et l’auditeur n’écoute plus un disque mais se voit promener dans des paysages clairs-obscurs par un groupe qui vous veut définitivement du bien. A vrai dire, vous ne savez pas très bien comment leur parler, mais vous comprenez que pour le coup ce ne sera pas nécessaire tant l’essentiel est là. Le chanteur vous soufflera ce qu’il a de plus beau et de plus vrai les yeux dans les yeux jusqu’à la dernière note de « Zalig Zijn De Armen Van Geest », alors à ce moment-là, et seulement à ce moment-là, il repartira, vous laissant seul dans votre fauteuil, votre siège de voiture, votre lit ou au beau milieu de nulle part, car cette musique-là parle au cœur sans considération d’espace ni de temps, ayant pour seul terrain de jeu la sensibilité que vous daignerez lui accorder.

Au final, l’objectif est atteint, l’album « nous laisse perplexes » mais heureux et on comprend mieux dès lors l’idée farfelue du puzzle : quinze pièces pour quinze titres ne pouvant se passer l’un de l’autre, formant une fresque sublime à la frontière entre folk et electronica, entre douceur et douceur.