King of the Beach

Wavves

Bella Union – 2010
par Serge, le 28 juillet 2010
9

L'an dernier chez le duo Wavves, c'était ambiance Anelka/Domenech. Sur YouTube, on peut toujours voir des bouts de la prestation désastreuse de Nathan Williams et Ryan Ulsh au Primavera de Barcelone, sous une pluie de bouteilles, une chorale de sifflets, et à deux doigts de se bourrinner la tronche. Score : exit Ulsh, parti jouer avec Nervehunt. Pour le remplacer mais aussi donner une direction un peu différente au groupe, Williams a vite engagé deux musiciens de feu Jay Reatard, Billy Hayes et Stephen Pope, respectivement batteur et bassiste. La vitesse, c'est coutumier chez Wavves, qui n'existe jamais que depuis 2008 et en est déjà à 4 albums (4, oui, il en est un de 2009 qui n'est jamais sorti!). Formé en novembre dernier, le trio n'a pas non plus attendu de voir si 2012 marquerait vraiment la fin de l'univers pour tenter de cartonner puisque le voilà déjà assis sur une nouvelle cohérence artistique, doté d'une force de frappe admirable et, pour tout dire, sans doute en passe de vite quitter la seconde division du rock (aussi hype soit-elle!) pour aller charrier un succès nettement plus populaire.

Dans le rôle du Schtroumpf Grognon, on s'amusera un peu à déplorer ce nouveau côté propret et gentil des Wavves, désormais parés pour la chasse aux dollars, ces «nouveaux Beach Boys grunge» comme écrivent déjà beaucoup de confrères. Il y a à "King Of The Beach" un côté tubesque un peu putassier, très nineties. En gros, c'est la recette des Pixies, plus tard reprise par tous ces groupes de boucs en chemises à carreaux, bons comme mauvais, légendaires comme cultes ; cette montagne russe power pop où les refrains sont des déflagrations de gros son contenus entre des couplets plus mélodiques et planants. Wavves s'inscrit partiellement dans cette tradition bien établie du college rock, tout en incluant également des influences plus anciennes (sunshine pop, Ronettes, choeurs qui font shalalala...) et en updatant le tout au son du jour, plus vraiment lo-fi mais toujours speed et un peu crado sur les bords. Ce fond, en soi, n'est nullement étonnant. Ce qui est nouveau et change radicalement la perception de Wavves dans le public, c'est la forme que prend tout cela, le professionnalisme nouveau appliqué aux chansons. Incontestablement, au regard du reste de la discographie du groupe, on est ici dans une autre catégorie, on s'est hissé vers un autre niveau.

L'évidence mélodique et la niaque noise de King Of The Beach, son respect de certains standards aussi, en font un album au potentiel des plus fédérateur. Le Schtroumpf Grognon dira que c'est tellement pro et facile à chanter sous la douche que l'on n'est pas non plus très loin de l'alternatif corporate à la Foo Fighters et il n'a sans doute pas tout à fait tort. Avec un peu de volonté et d'indulgence, on peut aussi voir ce disque comme celui qu'on attendait de Jay Reatard juste avant qu'il ne meure, en d'autres termes une tentative de Nevermind de la génération Vice Mag, élevée au rock garage juvénil de labels comme In The Red et au punk slacker. Au moment d'écrire ces lignes, juillet 2010, alors que l'album n'est même pas officiellement sorti partout et qu'on est en pleine période promo, il est un peu tôt pour parier sur la réalisation d'une telle prophétie commerciale. Par contre, ce qui est sûr, c'est que King Of The Beach est déjà pour l'éternité un disque rock parfait pour l'été, les trajets en bagnole, la cuisson de petites saucisses et l'ingestion de bières à proximité de piscines. Ce qui est déjà énorme, en vérité.

Le goût des autres :
7 Julien L