Glittervoice

Borealis

Origami Sound  – 2013
par Bastien, le 15 décembre 2013
10

Si le chroniqueur hurle avec la meute la plupart du temps, c'est autant par manque de temps que par commodité. Il est souvent aisé et flatteur de se sentir faire partir d'une mouvance, d'y aller de son avis sur tel album ou de son bon mot sur tel artiste. Ainsi, la machine musicale ressasse souvent les même noms et les même labels dans un tourbillon de critiques auto-entretenues, tant et si bien qu'on se retrouve avec 5, 10, 20 ou 50 chroniques d'un même objet. Vous aurez largement l'occasion de vous en rendre compte en cette période de tops de fin d'année, puisqu'on va vous rebattre les oreilles avec les même artistes jusqu'à l'indigestion. Il faut du temps pour regarder ailleurs et s'aventurer en terre inconnue, alors que c'est au final le « travail » logique d'un chroniqueur musical et le « devoir » d'un auditeur. Quand le temps et la motivation sont là, et que l'on déniche de petits bijoux, on aimerait finalement garder sa découverte jalousement. Et puis, il y a ces moments où l'on prend le risque de chroniquer quelque chose en décalage, où malheureusement le lectorat ne répond pas présent. Par manque de temps, ou d'intérêt. D'où l'envie de suivre la doxa du moment: c'est tellement plus simple et gratifiant. Pour cette chronique, on a choisi un artiste un poil off the radar, comme on les aime, alors de grâce soyez curieux, et évitez à un pauvre scribouillard de perdre son temps. On vous rassure, la prise de risque est limitée car l'album est un chef d’œuvre. Et nous pesons nos mots.

Jesse Somfay fait partie de cette caste d'artistes portant un génie qui semble ne jamais vouloir éclore au grand jour. Des papillons de nuits qui se satisfont d'une lumière falote. Déjà avec A Catch in The Voice en 2009, on s'était demandé si le succès fuyait le pauvre Canadien. Disons-le sans détours, cet album fait sans doute partie des disques d'ambient les plus sous-estimés de ces cinq dernières années. En 2010, Jesse Somfay opère une mue trance et techno pour devenir Borealis. On voit alors apparaître dans la musique de Borealis toute la délicatesse de l'ambient, mais magnifiée par des rythmes techno sauvages et galopants. De là est né Voidness, premier album qui portait en son sein les prémices du magnifique Glittervoice. Voilà, on y arrive à ce foutu album, après toutes ces circonvolutions. Manque de chance, on se retrouve bouche-bée devant tant de grandeur, devant une techno si éclatante et chargée de romantisme. On aimerait bien vous pondre des feuillets à n'en plus finir sur ce nouvel opus mais tenter de décrire Glittervoice serait une chose grossière. Il faudra accepter cette fois que les mots n'auront pas de prise et paraîtront creux face à cette expérience musicale unique. Face à un tel mastodonte, le chroniqueur est à peu près aussi à l'aise qu'un cul-de-jatte sur la ligne de départ du 100 mètres haies. Il lui reste donc à se taire pour ne pas vous gâcher la découverte. C'est là que son travail d'entremetteur se termine et que votre périple démarre. Promis, la prochaine fois on trouvera un album moyen, et on hurlera avec la meute, comme d'habitude.