First of a Living Breed

Homeboy Sandman

Stones Throw – 2012
par Jeff, le 30 novembre 2012
6

Etre au top toute une carrière est impossible, qu’on se le dise. Il y en a qui côtoient les sommets le temps d’un album ou deux, mais qu’on ne se leurre pas : cet état de grâce n’est ensuite qu’artificiellement maintenu par, en vrac, une hyperactivité vaine, une machine promotionnelle impitoyable ou le seul désir d’une fanbase de voir l’objet de son admiration tâter une nouvelle fois de l’imparable.

Et il en va ainsi pour les artistes comme pour les labels qui les hébergent. Prenez Stones Throw : fondé en 1996 par Peanut Butter Wolf, la maison de Los Angeles a rapidement connu un âge d’or incroyable, avec la sortie de divers projets de Madlib (dont Madvillain ou Jaylib), le dernier album de J Dilla, les premiers balbutiements d’Aloe Blacc ou les meilleures galettes de Dâm-Funk. Depuis quelques années par contre, on sent que Stones Throw cherche son second souffle et sa rédemption via des albums au lustre prétendu mais faisant surtout penser que le label ne sait plus vivre que sur ses acquis en sortant d’honnêtes disques*.

Et Homeboy Sandman est la parfaite incarnation d’une situation qui ne nous réjouit pas particulièrement. Recruté en 2011 par Stones Throw, le emcee du Queens aux racines dominicaines est considéré par Peanut Butter Wolf comme la relève – une position qui peut être autant une bénédiction qu’un poison. Et si on peut reconnaître à Homeboy Sandman un désir évident de perpétuer cette tradition « plus-2003-tu-meurs » d’un rap intello aux productions qui n’ont plus de novatrices que le nom, on ne peut pas vraiment dire que le bonhomme fasse souffler un vent de modernité ou de renouveau dans les étables de l'écurie Stones Throw. En effet, on a ici affaire à une sorte de croisement entre le trop peu connu Cool Calm Pete et un Antipop Consortium qui aurait mis de l’eau dans son vin cosmique. Et le fait que les deux premières références qui nous viennent à l’esprit lorsqu’on écoute First of a Living Breed sont un emcee qui a disparu de la circulation il y a belle lurette et un groupe qui a implosé en 2002 (pour se reformer quelques années plus tard dans l'indifférence) en dit long.

Evidemment, faire d'un style musical qui ne nous fait plus bander depuis 5 ans au moins son fond de commerce n'a rien de déshonorant. Et dans le cas de Homeboy Sandman, on peut même dire qu'il se permet quelques fulgurances bienvenues sur First of a Living Breed. Pourtant, même si on ne peut douter du cœur qu'a mis le emcee dans la conception de cet album, celui-ci semble cruellement manquer d'âme. Et c'est peut-être là son plus gros défaut. Evidemment, ce "petit-on-ne-sait-quoi" qui fait défaut à cette livraison est clairement une argument qui relève de la subjectivité crasse et il y en aura certainement pour trouver de nombreuses qualités à un disque qui pose davantage problème sur le fond que sur la forme. A vous de voir donc...

* Soyons quand même honnêtes: Stones Throw a récemment sorti le très bon disque du batteur jazz Kareem Riggins, auquel nous ne consacrerons pas une chronique mais qui mérite largement le détour.

Le goût des autres :
7 Soul Brotha