Angels & Devils

The Bug

Ninja Tune – 2014
par Jeff, le 3 septembre 2014
7

C’est exactement le 7 juillet 2008 qu’a débarqué sur Ninja Tune le London Zoo de The Bug. Un disque éprouvant certes, mais d’une qualité exceptionnelle. Et surtout un disque qu’on aurait pu penser sorti au pire moment : en plein été, on a franchement autre chose à foutre que de vivre la fin du monde en musique, au son des déflagrations ragga-dubstep de Kevin Martin et de ses copains emcees de l’apocalypse. Pourtant, quelques mois plus tard, ce monolithe de noirceur prenait tout son sens : la crise des subprimes éclatait. On connaît le merdier qui en a découlé et dont on peine encore aujourd’hui à émerger. D’ailleurs, ce statu quo exaspérant, le producteur anglais l’exprimait il y a un an exactement avec l’EP Filthy, qui enquillait les déflagrations et était censé annoncer la sortie plus ou moins imminente de l’album. Il aura finalement fallu attendre une année complète pour enfin écouter ce Angels & Devils, mais heureusement le jeu en valait la chandelle.

Fidèle à une réputation qui le voit éviter les baisse de régimes avec une facilité effarante, l’Anglais continue de perfectionner son alias The Bug, qui se nourrit de ses faits d’armes sous des alias divers (King Midas Sound, c’est lui) et de ses collaborations en tous genres (John Zorn, Kevin Shields, El-P, ou Anti Pop Consortium figurent tous à son tableau de chasse). Car Kevin Martin fait partie de ces artistes dont la curiosité et les envies d’ailleurs sont perceptibles à chaque nouvelle livraison. Evidemment, les influences dub, ragga et bass music constituent toujours l’ADN de The Bug, mais la seule liste des collaborateurs présents sur Angels & Devils suffit à étayer le propos : de Liz Harris de Grouper à Gonjasufi en passant par Death Grips, il y a ici une volonté chez The Bug de confronter ses certitudes à des univers nouveaux.

Cette approche donne à l’arrivée un disque à deux visages, à chaque fois très séduisant. Dans sa première moitié, c’est un The Bug complètement terrassé par la weed qui s’offre à nous. L’ambiance est vaporeuse à souhait et les productions plus cotonneuses que jamais, et s’approchant très régulièrement des territoires foulés par Kevin Martin avec King Midas Sound. Et là où la musique de The Bug pouvait presque porter un message politique sur London Zoo, elle semble plutôt indiquer une sorte de résignation face aux problèmes actuels. Mais c’est mal connaître le Londonien. En fait, cette entame de disque doit être prise comme une pause récréative de qualité, parce que quand débarque les copains Flowdan (sur "The One") ou Manga (sur "Function"), ça tourne vite à la distribution de mandales sur fond de productions maximalistes qui donnent littéralement envie de tout péter. Cependant, c’est peut-être cette dualité exacerbée qui va coûter à Angels & Devils une note un peu plus élevée. Car si l’on devait évaluer ce disque sur son travail de production et d’écriture pur et dur, c’est un 8 ou un 9 qu’il mériterait, tant The Bug s’y montre plus appliqué et efficace que jamais.

Le goût des autres :