American Crow

Haunted George

In The Red – 2010
par Serge, le 14 septembre 2010
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Si on prend la peine de rechercher la trace de Haunted George sur Google, on tombe assez rapidement sur une longue interview du bonhomme résumant plutôt bien l'affaire : en réponse aux questions de Terminal Boredom, un webzine américain ultra-alternatif, l'intéressé parle d'éthique punk-rock, de 2005 comme étant l'année par excellence des one man bands, de country et de blues datant d'avant 1940, de freaks habitant le désert de Mojave et de flics racontant des histoires de fantômes, dans le Los Angeles contemporain. Bref, on comprend sans tarder de quoi il se retourne vraiment : il s'agit moins ici de présenter un univers musical que de signer une véritable carte postale envoyée d'une Amérique marginale, romancée et partiellement fantasmée; celle qui sert de matériau de base aux meilleurs récits, aux meilleurs romans, aux décors des meilleurs films et aussi aux meilleurs reportages sur les dingues du rock, qu'ils soient signés Philippe Garnier, Vice Magazine ou Tracks sur Arte.

Haunted George s'appelle en réalité Steve Pallow. Dès le milieu des années 80, il officie dans divers groupes punk-rock dont la notoriété n'a jamais traversé l'Atlantique et peut-être même pas la frontière de certains fuseaux horaires américains. En 1994, son meilleur ami, qui était aussi le guitariste de son groupe, est brutalement tué dans un accident de la route. Pallow est anéanti et incapable durant les dix années qui suivent de revenir à la musique. Ce n'est qu'en 2005 qu'il se réincarne en Haunted George, concept d'homme orchestre jouant un rock garage frappadingue sous haute influence du folk et du blues basiques d'avant-guerre, celui que l'on prétend généralement diabolique. Pallow surjoue le redneck poursuivi par les chiens de l'enfer. Ses chansons ne parlent que de sorcellerie, de meurtres, de spectres et sont enregistrées en direct et en mono sur un vieil enregistreur à cassettes de 1970.

Si on aime les histoires morbides, le foklore bizarre, la musique déviante, le rock décavé, la lo-fi de filous, tout cela est évidemment fantastique. Ce mec est un roman digne du meilleur Cormac Mc Carthy, sans doute aussi un entertainer de première bourre (ce que laisse supposer les extraits de ses prestations sur YouTube) et son univers de superstitions, de diableries et de perlinpinpin est en soi immensément réjouissant. Maintenant, force est tout de même de constater que la musique n'est en soi pas formidable, sonnant trop comme une vieille démo des Cramps retrouvée 30 ans après son enregistrement sur une cassette chrome poussiéreuse que pour réellement honorer la promesse du disque le plus fou, libre et hanté qui puisse se trouver en 2010. Les premières écoutes ont beau être hallucinées, Haunted George a plutôt de la peine à réellement convaincre sur la longueur, au-delà de l'intérêt purement sociologique et des fantasmes géniaux qu'il charrie. Bref, ne le ratez pas à la télé, ne le ratez pas s'il sort un bouquin, ne le ratez pas sur scène... Mais n'écoutez son disque qu'une ou deux fois par an, sous peine de vous transformer en cassette super ferro possédée par Belzébuth !