Concert

Festival International de Benicassim

Benicassim (Espagne), le 17 juillet 2008
par Jeff, le 22 août 2008

The National
Fiberfib.com / 18.40 - 19.30

Je ne le savais pas encore, mais alors que je suais à grosses gouttes devant le concert de The National, une gentille pneumonie mettait sans dessus dessous mon système immunitaire affaibli par les 17 heures de bagnole pour descendre en Espagne, l’air co à gogo et les excès en tous genres de ces trois dernières nuits. Bref, ajoutez à cela la moiteur intenable régnant dans la tente Fiberfib.com et vous comprendrez que ce concert fut une expérience éprouvante pour votre serviteur – comme pour le groupe d’ailleurs. Eprouvante, certes, mais également agréable. Déjà impressionnant de noirceur et de profondeur sur disque, le groupe américain sait également faire preuve d’un impressionnant charisme sur scène. Véritable force tranquille alternant ballades apaisées et moments d'intense tension (ou mélangeant les deux comme sur l’auguste « Fake Empire »), The National démontre avec beaucoup d’aisance que les nombreuses concerts donnés ces derniers mois lui ont permis de donner toute leur dimension aux morceaux complexes du magnifique Boxer. Il eut été dommage qu’il en soit autrement.

Jeff

Leonard Cohen

Leonard Cohen
Escenario Verde / 20.00 – 21.00

Si généralement, à Benicassim, les têtes d’affiche montent sur scène entre minuit et trois heures du matin, il n’en fut rien pour Leonard Cohen. Il faut dire qu’à bientôt 75 piges, l’homme n’est plus du genre à siffler des bières avec les mecs de Justice en attendant le moment fatidique. Par ailleurs, vu les milliers de quinquagénaires ayant acheté leur billet d’un jour dans le seul et unique but d’assister au concert de la légende canadienne, il eut été mal venu de les faire jouer les pieds de grue aux premiers rangs des heures durant. C’est donc face à un magnifique soleil couchant et sous un évident tonnerre d’applaudissements qu’apparaît Leonard Cohen à 20 heures pétantes pour aussitôt entamer l’un des plus beaux titres de son répertoire, « Dance Me to the End of Love ». Malgré le poids des ans, l’homme est fringant et réactif, toujours aussi prompt à jouer avec son public. Qui plus est, et c’est probablement ce qui importe le plus, sa voix est toujours aussi belle. Pendant soixante minutes bien trop courtes, Leonard Cohen va ainsi bercer de sa sombre voix un public conquis, le régalant de quelques un de ses plus grands succès, dont « Everybody Knows », « Hallellujah » ou encore « So Long Marianne ». Evidemment, au regard de la carrière de l’homme, les soixante minutes qui lui étaient accordées étaient largement insuffisantes. Ceci étant, quel plaisir de voir cette légende vivante sincèrement émue par la générosité d’un public qui n'a pas ménagé ses efforts pour lui témoigner toute une admiration cent fois méritée.

Jeff

Calvin Harris
Fiberfib.com / 21.30 – 22.30

Sur la scène Fiberfib, les programmateurs nous offraient un beau petit triptyque pour conclure notre festival, avec un enchaînement Calvin HarrisJusticeSupermayer avant de laisser les irréductibles se démener jusqu’au bout de la nuit et de prendre un peu de repos bien mérité. Et comme lors de la bataille de Fontenoy, ce furent les Anglais (ou plutôt un Ecossais et ses acolytes) qui tirèrent les premiers. Bien décidé à ne pas se retrouver au même endroit que lors du concert de Hot Chip deux jours plus tôt, c’est d’un peu plus loin que je verrai Calvin Harris débouler sur scène. Et on le voit de suite, le bougre joue devant un public acquis à sa cause et le lui rend bien. Calvin crie, saute dans tous les sens et se roule par terre à la moindre occasion. Même sans être un fan absolu de I Created Disco, et alors que les organismes commencent à être particulièrement émoussés (c’est d’ailleurs sur ce concert qu’un des rédacteurs de Liab rendra définitivement l’âme, vaincu par les streptocoques, mais personne ne lui en tiendra rigueur, tant sur un festival de 4 jours, chacun de nous a connu un jour sans !), il est facile de se prendre au jeu. Les morceaux sont particulièrement dansants et les titres les plus connus que sont "Merrymaking at my Place" ou "Acceptable in the 80’s" déclenchent des scènes proches de l’hystérie chez ces anglais (et surtout ces anglaises) à l’épiderme marqué par 4 jours passés sous un soleil auquel il ne sont pas habitués sous leurs latitudes. Belle réussite donc que ce concert de Calvin Harris, bien aidé il est vrai par le quatuor (guitare, basse, batterie, clavier) l’accompagnant sur scène. L’Ecossais terminera son heure par un beau souk en concluant sa prestation par "Girls", repris en chœur par tout le public. Il ne manque maintenant plus au natif de Dumfries qu’un deuxième album comportant lui aussi quelques bombes, histoire de pouvoir se débarrasser des morceaux plus faibles qui débouchent encore sur quelques lenteurs.

Jeff

Justice

Justice
Fiberfib.com / 23.00-00.00

Ah, qu’il est bien loin le temps où Xavier de Rosnay et Gaspard Augé venaient mixer (pas trop bien d’ailleurs) devant quelques centaines de personnes dans une obscure salle bruxelloise. Aujourd’hui, c’est en véritable tête d’affiche de la scène Fiberfib.com que les deux français viennent présenter les morceaux de leur album devant un chapiteau plein à craquer.

Comme c’est devenu une habitude depuis le début de sa tournée, c’est derrière 18 amplis Marshall que le duo entre en scène. Et dès les premières notes de "Genesis", c’est le bordel complet et la sauce prend plus facilement encore que la mayonnaise servie sur les frites dans un festival belge. Le public prend apparemment son pied et attendait Justice de pied ferme : on ne compte plus les croix, bricolées à la hâte ou un peu plus sophistiquées. Mais si l’on analyse tout cela d’un peu plus près, que reste-t-il finalement ? Et bien Justice remplit sa fonction comme il se doit et les festivaliers apprécient, cela ne fait aucun doute. Certains morceaux de l’album sont retravaillés (les violons de "Stress", un "D.A.N.C.E." à la sauce Rondo Veneziano qui se durcit par la suite,…) et le format d’une heure adopté dans les festivals leur convient beaucoup mieux qu’un concert en salle lors duquel tout est un peu tiré en longueur pour donner au public l’impression (fausse) qu’il en a pour ses 20 euros. Mais à l’heure où beaucoup attendent l’album de Sebastian en se demandant s’il s’agira du chant du cygne ou d’un certain renouveau du style Ed Banger, on ne peut s’empêcher de penser que les deux Parisiens usent (et abusent) de leurs ficelles que sont les paroles de l’hymne "Never Be Alone" (entendues au moins trois fois en une heure) et les sirène sauce Klaxons.

Mais le public n’a cure de toutes ces considérations et il en redemande, réservant une véritable ovation aux Frenchies lorsqu’ils leur lancent un salut romain au terme de "Waters of Nazareth" ou qu’ils se jettent à genou en conclusion d'une prestation ponctuée par un "Phantom Pt 2" qui laissera la foule en délire. En fait, même si ce n’est pas fin pour un sou et malgré les quelques doutes émis plus haut, Justice reste diablement efficace lorsqu’il s’agit de faire bouger les festivaliers, et finalement, on n'en attendait pas plus (mais pas moins non plus) des protégés de Pedro Winter.

Laurent

Supermayer
Fiberfib.com / 02.00-03.00

La présence de Supermayer à Benicassim constituait en soi un petit événement dans la mesure où le duo n’est pas fort friand des représentations à gogo. L’occasion était donc trop belle pour la manquer et c’est le cœur léger que je m'installe aux avant-postes du chapiteau pour suivre cette prestation à venir. Déçu au premier abord de constater l’absence d’un « big band » qui à mon avis aurait mieux servi la conception de leur premier album (qui cède volontiers ça et là à des tendances plus organiques), je retrouve finalement le sourire au vu de l’agencement général de ce live endiablé. Car Superpitcher et Michael Mayer ne savent décidemment pas choisir leur camp : hésitant de manière permanente entre des interprétations de l’album et une configuration plus classique au dj set, les allemands créent un hybride au potentiel énorme. La progression est donc au top avec un équilibre savant de bombes minimal exogènes à la formation et de réécritures raffinées de leurs propres compositions. Rapidement, la foule initialement dispersée se regroupera au centre du chapiteau et ne cessera de grandir jusqu’à atteindre une taille au-delà de l’acceptable. Magnifique travail pour un groupe qui, malgré sa qualité indéniable, n’a pas encore la renommée propre à un Justice pour rameuter sans distinction les connaisseurs comme les novices, les plus vieux comme les plus jeunes. Finalement bien aidés par un visuel quatre étoiles, Supermayer assure le fond comme la forme pour faire de ce concert un des meilleurs du festival.

Simon

Photos : Archivo FIB / François Ollivier, Oscar Tejada, Liberto Peiro, Natalie Paco