Concert

Festival International de Benicassim

Benicassim (Espagne), le 17 juillet 2008
par Jeff, le 22 août 2008

Nada Surf
Escenario Verde / 21 :40 – 22-30

La prestation mollassonne et fort peu emballante de Nada Surf au quatrième jour des Ardentes nous avait laissé un arrière-goût amer, tant le groupe nous avait habitués à mieux par le passé. C’est donc en nous demandant si les Américains réussiront à inverser la tendance que nous pénétrons pour la première fois sur le site du festival afin d’assister à un concert qui donne le véritable coup d’envoi de cette 14e édition du FIB (deux groupes locaux s’étant déjà succédé sur la scène principale). Et, à peine le set entamé, on sent les membres du groupe plus à l’aise, et surtout plus énergiques qu’à Liège quatre jours plus tôt. Cela est-il dû à la présence au clavier et à la trompette de Martin Wenk de Calexico ou au fait que la musique de Nada Surf correspond particulièrement bien à l’ambiance "sea, sex and sun" qui caractérise le festival ? Peut-être un peu des deux, mais en tout cas, on ne s’ennuie pas un instant.

Puisant principalement dans The Proximity Effect, The Weight is a Gift et Lucky, Mathew Caws et sa bande se permettent même le luxe de faire abstraction de leur tube "Popular", preuve s’il en est que le concert était de qualité et que le public, dont les rangs étaient encore quelque peu clairsemés à cette heure, était réceptif aux mélodies power pop des New-Yorkais.

Et, au terme des 50 minutes qui leur avaient été accordées, alors que la nuit tombe sur le site, on se dit que Nada Surf tient sa revanche et que le trio (enfin, le quatuor pour l’occasion) constitue une entrée en matière idéale pour ce Benicassim 2008.

Laurent

Nada Surf

Sigur Rós
Escenario Verde / 22.50-00.20

Installé depuis quelques heures à peine sur le prestigieux festival du Fiberfib, j’attendais beaucoup de cette première soirée sous le soleil espagnol. Passablement lassé par le concert de Nada Surf (pour une question de goût et non de qualité), le passage de Sigur Rós juste après me donnait une bonne raison de ne pas m’en faire quant à la bonne tenue de ce début de soirée. En effet, les Islandais ne se feront pas prier pour infliger une bonne leçon de savoir-faire musical. Les habitués du groupe ne seront pas étonnés de voir une tracklist quasiment inchangée depuis leur début de tournée, et à vrai dire, c’est tant mieux puisque dès l’introduction, la grande scène se voit plongée dans un décor (musical autant que scénique) onirique et baroque de grande qualité. De la voix perçante et épurée du chanteur à la section rythmique déjantée en passant par le look mystique de la troupe, tout raisonne de manière juste et touchante titre après titre.

Pas de frasques ambient-rock léthargiques : Sigur Rós donne du tempo à sa prestation, et témoigne d’une vraie langueur qui transforme chaque titre en prestation individuelle marquante. Car la patience et la relative retenue dont fait preuve le groupe l’empêche à chaque instant de tomber dans une sorte de soupe indigeste qui aurait miné le résultat final. Au bout d’une heure se profile déjà le final, un final qui se devait d’être gigantesque au vu de la prestation donnée par les Islandais jusque-là. Nous ne serons pas déçus avec une triple explosion des sens faisant intervenir une large foule de musiciens répartis aux quatre coins de la scène pour un bordel maîtrisé de bout en bout. Le festival commençait admirablement bien, et Sigur Rós y était pour beaucoup.

Simon

Sigur Ros

Lightspeed Champion
Vodafone FIB Club / 23.40-00.40

Benicassim, c’est le meilleur moyen de profiter d’un festival anglais avec tous les avantages de la délocalisation, à commencer par la météo des plus clémentes. Ce petit privilège est suivi de très près par la chance de côtoyer un public qui sait se montrer aussi bruyant que généreux lorsqu’il s’agit d’acclamer un des siens. Devonte Hynes, ex-Test Icicles se produisant aujourd’hui sous le nom de Lightspeed Champion, est un artiste qui, hors de son Angleterre natale, ne s’attire rien de plus que la sympathie de ceux qui ont jeté une oreille attentive à son excellent premier album, Falling Off the Lavender Bridge. Mais sur ses terres, notre homme bénéficie d’une toute autre notoriété, qui a pu être mesurée à l’aune de l’accueil triomphal que lui a réservé le public, à 90% composé d’Anglais, en ce premier soir de festival. Accompagné de cette chapka qui ne le quitte jamais (et qui, vu la température ambiante à Benicassim, doit probablement flairer le bouc en décomposition) et d’un groupe remonté comme jamais, Devonte Hynes débarque en terrain conquis. Il ne lui reste plus qu’à se lancer dans l’interprétation de titres qui passent à peine sur nos ondes, alors qu’à en juger par le 'sing along' quasi ininterrompu qu'est le concert, ils sont de véritables tubes dans la perfide Albion. Et malgré un son désastreux en début de concert, rendant à peine audible la voix de Hynes, il se dégage de la prestation du groupe un véritable sentiment d'euphorie bien aidé par des versions live beaucoup plus musclées que celles présentes sur Falling Off the Lavender Bridge. Ce mélange de pop et de folk a très fière allure et Lightspeed Champion vient déjà de signer l’un des tout bons moments de cette édition 2008. Ca commence bien...

Jeff

Lightspeed Champion

Black Lips
Escenario Verde / 2.10-3.10

Les Black Lips, c’est le groupe imprévisible par excellence. Au fil des années et des centaines de concerts donnés, le groupe s'est taillé une réputation scénique sulfureuse, faite d’alcool, de gerbe, de nudité, de matières fécales et d'excès en tous genres. Ah oui, et de rock'n'roll brut et salace. Bref, aller voir les Black Lips, c'est espérer au fond de soi assister à une prestation complètement bordélique et outrageusement décadente, quitte à ce que la musique soit légèrement reléguée au second plan. Malheureusement, d'excès, il n'y en eut point à Benicassim. Visiblement bien éméché (et probablement dopé par des substances que la moralité m’interdit de mentionner), le groupe s'est contenté d'enchaîner les morceaux, côtoyant le meilleur (les incandescents « Katrina » et « Black Kids ») et le pire (pas mal de titres ont été joués dans une cacophonie qui les rendait parfois à peine identifiables), et démontrant surtout que ce n’est pas sur une grande scène qu’il a vraiment sa place. Heureusement que ces natifs d’Atlanta seront de retour d’ici peu pour une tournée européenne des clubs où ça risque de partir méchamment en sucette. Le rendez-vous est donc pris.

Jeff

Battles

Battles
Vodafone FIB Club / 03.00-04.00

Pas étonnant de croiser la route de Battles à ce festival réputé qu'est Benicassim. Et pour cause, le dernier album des New-Yorkais truste de manière méritée tous les hauts lieux mondiaux de la musique de bon goût. Pas besoin de vous faire un dessin, la foule présente sur place témoigne déjà des attentes placées dans le concert de nos quatre héros. Le Vodafone FIB Club est déjà bondé alors que le concert ne commencera que dans une bonne poignée de minutes, c’est donc imbriqués les uns dans les autres que je patienterai jusqu’à l’arrivée du groupe. Une mise en place rapide pour un début retentissant, qui annonce directement la couleur. Malheureusement, on se rend aussi vite compte d’un problème ma foi récurrent : le son des guitares sèches et pincées du groupe résonne avec une telle insistance que chaque note nous transperce les tympans de manière sauvage et désagréable.

Il faut donc tendre l’oreille pour parvenir à apprécier les architectures finement dessinées de notre association de surdoués (ce qui, vous l’aurez deviné, n’est pas chose facile avec une belle bande d’Anglais complètement décalqués à mes côtés). Les titres s’enchaînent avec rapidité dans une hystérie de tous les instants : « Race In » ou encore « Leyendecker » (avec un travail de John Stanier une fois de plus époustouflant) prépare admirablement bien le terrain pour l’arrivée du titre immanquable, j’ai nommé « Atlas ». Le plafond craque alors que Tyonda Braxton prépare ses samples vocaux devenus cultes depuis la sortie de Mirrored. Une fois ce travail de sape accompli, c’est avec le public dans leur poche que les Américains termineront leur concert de la même manière qu’ils l’avaient commencé : réglé comme du papier à musique, assurant la prestation sans trop forcer le talent.

Simon

Photos : Archivo FIB / François Ollivier, Oscar Tejada, Liberto Peiro, Natalie Paco