The Caliph's Tea Party

Gonjasufi

Warp – 2010
par Serge, le 15 octobre 2010
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Haut dans la stratosphère, devançant bien des concurrents, accroché à son Vaisseau-Mère suborbital, Gonjasufi. Un poème, un phénomène. Pour les moins lyriques, simplement l'un des meilleurs disques de l'année, quasi le seul réellement étonnant au milieu de cette multitude de sorties toutes plus prévisibles, formatées et référentielles les unes que les autres. A Sufi & A Killer, c'est la stupeur opiacée de Lee Scratch Perry mélangée à du hip hop abordé comme seuls Jonathan Richman et ses Modern Lovers abordaient le rock : douce dinguerie, fracassage love. Un truc d'outsiders totaux, le génie des alpages. Malgré ces torrents d'amour, impossible toutefois de nier un écueil maousse : Gonjasufi a beau être formidable, son disque mirifique, tout cela est dangereusement proche de l'une des zones musicales les plus interdites et sombres de l'histoire récente : le TRIP-HOP, cette horreur « urbaine » des années 90, ce papier-peint auditif pour cherpés en descente de taz, cette ambiance sonore pour sinistres shops vendeurs de designers toys.

Référence quasi-ultime dans le monde industriel musical actuel, divinement intouchable durant les années electro et toujours plutôt respectable depuis son recyclage mainstream, le label Warp. Un pedigree de oufs, une respectabilité de sainteté mais aussi, de temps à autre, des plans business plutôt bien pourris, de purs moments what the fuck, et pas que chez Jimi Tenor ou Maxïmo Park. Le Talon d'Achille du label de Sheffield, la grosse flaque de boue au milieu du jardin zen, c'est cette propension à sortir coûte que coûte du remix prétentieux et branleur de morceaux à l'origine parfaits. Ils l'ont fait avec de l'acid-house, de la techno bleep, du post-rock, les Chk Chk Chk et des trucs vraiment barrés de Seefeel ou Autechre. Et ils le font aujourd'hui avec Gonjasufi, en sortant ce Caliph's Tea Party qui n'est autre que la version remixée de l'exceptionnel A Killer & A Sufi.

Une version normalisée, banalisée, pourrait-on dire. Un disque à peu près sans aucun intérêt, sinon d'avoir probablement fait gagner 1.000 ou 2.000 euros à chaque participant de ce massacre compilé. Un album où la richesse et la folie de son modèle se voient domptées et ratiboisées par des rythmiques poumtshak à la con, des presets basiques et des nappes de synthés complètement nazes et ringardes dès 1994. Une collection de clichés donc, un peu grime, un peu dubstep, un peu Mo'Wax, tout à fait TRIP-HOP et visiblement principalement destinée à des DJ's pas foutus de caler dans leur mix une version originale roots et organique d'un morceau ovniesque, se devant donc de recourir à ce genre de dilution pseudo-fashion sous peine d'être complètement lost in music. Sans déconner, Gonjasufi sans les samples mongolos derrière, ceux-ci remplacés par de l'electro d'usine, c'est juste Barry White sous crack qui chante sur du chipotage Ableton d'autiste en atelier protégé. Bref, on tient ici ce qui est sans doute le pire disque de l'année, Côté Obscur d'une véritable Force musicale, produit vénal plus ignoble et moins éthique que si Warp avait sorti des sucettes ou des capotes Gonjasufi. Oui, vraiment pas de quoi être fiers!