Sincèrement

Hamza

Just Woke Up  – 2023
par Yoofat, le 14 avril 2023
6

Longtemps réduit au statut de rappeur préféré des rappeurs, Hamza a fini par devenir une superstar à coups de featurings exceptionnels où sa voix, son franglais et son groove se retrouvent systématiquement au service du déhanchement, de l'Amérique et du drip. L'été dernier, l’esthète de Laeken a même obtenu son troisième disque de diamant (après  "Life" et "God Bless"), une nouvelle reconnaissance populaire qu'il était difficile d'imaginer pour lui à l'époque de "La Sauce". Les crédits de "Fade up" disent "Zeg-P featuring SCH et Hamza" mais personne n'est dupe : si ce morceau est devenu le tube de l'été 2022, c'est en immense partie pour ce refrain typiquement "Hamza-esque". Et c’est naturellement vers lui que les projecteurs se sont tournés en ce début d’année 2023. 

Que pouvait-on attendre d'un nouveau disque de Hamza ? Après son aventure drill initiée en 2020, les auditeurs de la première heure demandaient à corps et à cri le retour du crooner moitié lover, moitié mauvais garçon qui a su s'inviter dans nos soirées à lumière tamisée. D'autres voulaient retrouver l'énergie brutale de ses débuts, époque H24 et Zombie Life, quand une autre partie de ses fans l'imaginaient poursuivre son ascension vers les sommets, rêvant d'un feat avec Drake. Qu'offre Sincèrement ? Un peu de tout cela, hormis le feat avec Drake - mais il y a Offset à la place, tout de même. Mais pas grand-chose de plus.  

L'artiste génial qu'est Hamza a toujours su construire de grandes chansons pensées pour festoyer, et dès "Free YSL", deuxième piste de l’album, il paraît évident que ce talent-là sera éternel. Globalement, Hamza excelle dans tout ce qu’il entreprend sur cet album. Certes, ses textes ne sont jamais très riches en idées nouvelles ou en introspection. Néanmoins, il a toujours su compenser en américanisant sa vie à grands renforts de formulations copiées-collées de la culture afro-américaine - par contre, il n'utilise plus le "N Word" depuis 140 BPM et on l'en remercie. Autrement dit, ses récits un peu creux deviennent fascinants dès lors qu’il s’imagine natif de New-York ou d’Atlanta. Ça marchait déjà en 2015, et ça marche sans doute encore mieux en 2023. D'ailleurs, les titres des pistes ne mentent pas : "Nasa", "WWE", "Only U" ou bien sûr "Free YSL" faisant directement référence non pas au mythique couturier français, mais bien évidemment au label Young Stoner Life de Young Thug.  Cette formule, Hamza a eu le talent de la rendre digeste, voire addictive pour le public francophone (le point d’orgue de la formule "Hamzesque" demeure néanmoins "Fade Up" qui, du propre aveu du rappeur, ne veut absolument rien dire).  Sur cet album, la liste de franches réussites est longue, et comme dit auparavant, elles cochent les attentes des auditeurs du Saucegod :Le Hamza lover avec "Atasanté pt.2", le Hamza gangster nerveux avec "Au bout de la nuit" et donc la dimension internationale avec le banger "Sadio" avec Offset

Peut-être que l’on était toutefois en droit de s’attendre à un album au contenu un peu plus inédit. Le Hamza de Sincèrement, bien sûr qu’on l’adore, mais on le connaît déjà bien, et même s’il était moins sûr de ses forces auparavant, on l’a déjà entendu par le passé. Peut-être était-ce l’album dont Hamza avait besoin à ce moment de sa carrière, c’est-à-dire un album certifiant son style. La fascination pour l’eau et ses diverses manifestations, les postures de personnage scorcesien ou la gueudro à outrance sont des champs lexicaux que Hamza a exploré maintes et maintes fois. Difficile de dire que l'on s'en lasse, car dans sa zone de confort, Hamza est d'une efficacité clinique. Néanmoins, on regrette les disques où il était un scientifique fou, sans réel mode opératoire apparent. Un morceau de Hamza est-il désormais condamné à n’être qu’une update de ses précédentes tentatives ? Hormis "Codéïne 19", les morceaux de l’album sont peu aventureux. Certes le titre avec Damso peut être considéré comme une prise de risque, mais est-ce vraiment intéressant de se risquer à ce genre d’inepties ? On adorait quand Hamza s’aventurait à déstructurer, quand il n’y avait plus de refrains, plus de couplets, juste des vibes.

Comme Paradise, son premier album, Sincèrement ne laisse que peu de place aux actes de bravoure dont le hip hop a pourtant besoin pour avancer et éviter d'être piégé par sa position archi-dominante. Aujourd’hui encore, l’audace n’a-t-elle pas sa place sur les albums de rap destinés au grand public ? Si Damso ou Nekfeu se permettent de casser les codes, pourquoi pas Hamza ? A l’instar de la  défunte Sexion D’Assaut qui brillait de mille feux sur les volumes des Chroniques du 75 avant de nous assommer d’ennui sur leurs albums studios, faudra-t-il attendre un nouveau Santa Sauce pour retrouver le Hamza qui change de logiciel? Hamza, c'est peut-être mieux maintenant, mais l'expérience Hamza, elle, était plus excitante avant. 

Le goût des autres :