I, Moloch

Shrine of Denial

Transcending Obscurity – 2025
par Simon, le 8 mai 2025
6

Désormais habitués à nous abreuver en sorties de qualité (Veilburner, Ritual Fog, Misanthropy, Shrieking Demons, OBSCUREVIOLENCE) par les Indiens de Transcending Obscurity, on accueille avec un intérêt certain ce premier album des Turcs de Shrine of Denial, avec la promesse d'un grand disque de black/death. On passe en vitesse sur cet artwork magnifique de Juanjo Castellano, toute la presse spécialisée bloquant dessus (probablement car elle réveille le souvenir de l'historique In The Nightside Eclipse d'Emperor), pour se consacrer directement à ce qui nous occupe. Et à ce titre, I, Moloch ne perd pas de temps avec une fusion black / death coupante comme une lame de rasoir et jouant pas mal sur son rapport au muscle.

Et tout y passe : du tremolo picking théâtral et va-t'en-guerre, des lignes de guitares extrêmement rapides et dissonantes, une section rythmique qui en fait beaucoup plus que nécessaire et un chanteur... omniprésent. Sans conteste une des grandes forces du groupe et quelque part le boulet qui empêche I, Moloch de passer un cap définitif à ce stade, les vocalises d'Eray Nabi sont absolument partout. Et ce Turc-là, c'est le cruise control de la haine : à 150 sur l'autoroute de l'agressivité, à peu près tout le temps sur le même timbre de pourceau, le chant phagocyte pas mal de spectre à la manière d'un chanteur de hardcore qui hurle sans même regarder autour de lui. Disons que c'est tellement sur une même hauteur puissante et furieuse qu'on oublierait presque tout ce qui se passe en arrière – à tel point qu'on rêverait d'une version instrumentale pour prendre toute la mesure de ce premier effort.

Le constat est quelque peu amer quand on se reconnecte – et cela arrive presque tout le temps, même si cela demande de le conscientiser tout au long du disque – à tout le travail en arrière-plan. Disons simplement que la présence du chanteur est telle que, même quand il décide de la fermer, c'est lui qu'on entend encore. Et la richesse de l'ensemble perd alors de son lustre : on a presque l'impression d'entendre un produit un peu bas du front alors qu'en coulisses c'est la régalade à tous les étages. Et ce n'est pas faute d'avoir mis les moyens : la densité de la production impressionne, nerveuse et guerrière pendant ces trente minutes de sprint qui vont te faire traverser l'enfer en diagonale. Ça ne prend aucune respiration, ça fonce presque tout le temps tout droit et ça négocie magnifiquement bien les quelques virages mélodiques.

Un sans-faute qui impressionne autant qu'il frustre : Shrine of Denial est capable de tant de choses qu'on les voudrait déjà plus loin, plus haut dans leurs choix d'écriture. Puis on se rappelle que les Turcs n'ont littéralement rien sorti avant, qu'ils font ici leurs débuts dans le monde pro et on se dit que c'est déjà miraculeux de les voir à un tel niveau de performance. On en vient même à pardonner leur beuglard de frontman parce que, sans prévenir, I, Moloch a déjà tourné ici une trentaine de fois depuis sa sortie.