Pas le temps de niaiser : on enchaîne déjà avec un nouveau numéro, le vingt-cinquième, de Wake Up The Dead, notre dossier consacré aux choses à retenir dans l'actualité des musiques violentes. Cette fois-ci, on repart sur 6 sorties ronronnantes, entre heavy, post-hardcore black et death metal, vous connaissez déjà le programme. Bonne découverte !
L.S. Dunes
Violet
Erwann
Certains supergroupes sont plus des supergroupes que d’autres. Les Crosby, Stills, Nash & Young ou Cream possédaient plusieurs gigastars en leur sein, alors que d’autres projets reposent davantage sur un seul nom. L.S. Dunes, par exemple, réunit des anciens membres de My Chemical Romance, Coheed and Cambria et Thursday… mais, soyons honnêtes, ça a quand même surtout la saveur d’un album d'Anthony Green. L’ancien chanteur de Saosin et Circa Survive reprend du micro, et sans surprise, le résultat reste fidèle à ce qu’il sait faire de mieux : une performance vocale alternant entre envolées mélodiques et cris perçants, le tout sur fond de post-hardcore teinté d'influences alt rock. Après un premier album en 2022, Violet renforce encore davantage l'alchimie du groupe et affiche plus clairement les influences de chacun des membres. Le résultat? Un disque qui ravira tous ceux qui, en 2006, rêvaient d’aller pogoter au Warped Tour mais qui, faute d’être assez Américains pour ça, se contentaient de saigner The Black Parade, Translating the Name ou Full Collapse sur leur iPod.
Century
Sign Of The Storm
Jeff
Les crédules vous diront que si les plus grands héros du heavy metal perdent leurs cheveux, c’est en raison d’un étrange phénomène dénommé “calvasse”. Mais les vrais savent : histoire de régler la dernière tranche d’une résidence secondaire à Malibu, ceux-ci se livrent à un lucratif trafic d’échantillons capillaires sur le dark web, car un peu de leur crinière mélangé à quelques centilitres de bière tiède fait monter en vous une irrésistible sève heavy – et déclenche accessoirement le braquemard du siècle. Et à voir ce qui reste sur le caillou du grand Rob Halford, on se dit que les affaires sont florissantes et que les gars de Century doivent figurer parmi ses bons clients. Apparu à Stockholm il y a quelques années à peine, le duo n’a qu’un seul objectif : vivre comme si nous étions au tournant des années 80 dans une Angleterre en pleine crise, sur le point de vivre sa « new wave of British heavy metal ». Alors pas de surprise sur la proposition : ça référence les plus grands du genre, ça joue vite, le chanteur n’est pas le dernier pour en faire des caisses, ça part sur des refrains imparables, et ça s’appuie sur une section rythmique qui a pour unique but de magnifier des solos qui veulent faire honneur à l’expression “guitar hero”. Pur crowd pleaser, Sign of the Storm est idéal pour répondre au fan de Limp Bizkit qui te dit que les 80s sont une décennie à oublier.
Sordide
Ainsi Finit Le Jour
Simon
Déjà le cinquième album pour les Normands de Sordide. Et toujours cette position enviable de meilleur groupe de black metal / punk de l’underground français. Ainsi Finit Le Jour convoque toute la violence politique de la gauche dans une fournaise qui sent la bière, les bagarres à l’Opinel et la misère mentale. Comme d’habitude, bien aidée par la poésie sinistre de Nehluj et Nemri, la musique de Sordide prend le temps de s’installer dans des longues plages black’n’roll bien crues, de guitares basses tantôt lancinantes tantôt montées sur ressort et de breaks à la lenteur mortifère. Une odeur de cave et de France profonde se dégage de ces neufs titres, sorte de pinacle punk que nul autre pays n’aurait été capable de sortir aussi bien. Une bande-son pour un film social à mi-chemin entre Germinal, le satanisme post-industriel et la colère sourde d’une France qui vacille. Une musique de gueules cassées froide et rugueuse comme le béton, entre intellectualisme de la violence et énergie du désespoir. Parce qu’il n’est question que de ça dans Ainsi Finit Le Jour : de noirceur totale, de combats perdus d’avance et d’anxiété perpétuelle. Un disque de provincial qui emmerde la capitale, avec son roman noir presque gothique du prolétaire condamné aux pires sévices du quotidien, qui se révolte malgré tout dans son marasme mental, sans savoir qu’aucune lumière ne l’attend au bout du tunnel. La poésie du caniveau.
Disrupted
Stinking Death
GuiGui
Il y a parfois des choses qui nous échappent tant l’offre musicale est pléthorique et ce dans tous les styles. C’est ainsi que vous découvrez parfois après des années des groupes qui, sur le papier, cochent toutes les cases d’un genre que vous affectionnez. Jugez plutôt : un groupe suédois jouant un death metal old school direct, gonflé à la HM-2 et dont le nom commence par « Dis », ce qui augure une rythmique plus portée sur le punk crust que sur le blast beat. Si vous ajoutez à cela une gravure en noir et blanc illustrant un amoncellement de cadavres et de croix de Saint-André en guise d’artwork, l'auteur de ces lignes se trouve directementen terrain conquis. Et l’écoute du bien nommé Stinking Death ne fait que confirmer ce que vous pouviez attendre à la lecture du descriptif. Ici l’originalité n’a évidemment pas sa place, on est sur nu cahier des charges à remplir. Et que Disrupted remplit avec une détermination qui force le respect. Les locomotives inarrêtables que sont « Choke on the Cross » et « Vile Impalement » ou le plus doomesque « Funeral Vomit » indiquent qu’on n’est pas là pour rire mais bien pour célébrer le death metal canal historique en n’omettant aucun ingrédient de la recette. Certes c’est du déjà entendu (surtout en Suède) mais Stinking Death est le genre de disque tellement bien fait et respectueux des traditions qu’on a du mal à ne pas y trouver son plaisir.
Mourir
Insolence
Alex
Enfin le grand saut pour ces joyeux drilles de Mourir qui, après des débuts très encourageants sur Throatruiner en 2020, signent ici leur première sortie sur un label de plus grande envergure, Pelagic Records, maison allemande qui s'occupe notamment des intérêts d’envy, Year Of No Light ou encore Briqueville. Insolence donc, c’est le nom de cet EP qui succède à Animal Bouffe Animal et Disgrâce, deux albums bien charpentés à base de black metal enregistrés par le magicien Amaury Sauvé. Le groupe toulousain, composé de membres des extrêmement sous-cotés Plebeian Grandstand et Bruit, annonçait dès sa genèse tirer influences des pères fondateurs norvégiens, forcément, mais arbore tout aussi fièrement une identité plus noise et dissonante; jusqu'ici rien d'anormal quand on connaît le pedigree des personnes concernées. À ce titre et même si Mourir n'enlace pas autant l'indus ou l'avant-garde que ses compatriotes Fange voire Blut Aus Nord, le quartet distille un mélange de riffs ciselés avec une atmosphère de danger imminent ("Punitive" ou le glaçant "Illusions") ponctué par un chant des cavernes, la production qui lui fait honneur, et de délicieux blast beats ça et là. Autant de cases du genre cochées en 20 minutes et la promesse que ces gens peuvent pérenniser la déjà très riche et hétéroclite tradition du black hexagonal.
Obscureviolence
Refuting The Flesh
Simon
Habitués désormais à poser une oreille sur tout ce qui tombe du camion de Transcending Obscurity Records (Veilburner, Misanthropy, Ritual Fog), on fait aujourd’hui l’ « heureuse » rencontre d’Obscureviolence, trio russe qui débarque pour un premier EP d’une toute petite vingtaine de minutes. Et on ne va pas se mentir, vous allez avoir droit à votre dose de gras. Fusionnant un death metal de Cimmériens avec un black metal vicieux, Obscureviolence prend très peu de pincettes pour allonger ses six titres dans un grand fracas de hurlements bestiaux, de batteries assourdissante et de riffs dissonants en mode panzerschreck. Ce n’est pas ce qu’on a connu de plus finaud, mais il faut bien avouer que c’est bien fait. La production finit de compléter ce tableau démoniaque, en remettant tout ce beau bordel à sa place. La fusion black / death est totale, le disque tourne en boucle sans qu’on puisse véritablement discerner un titre de l’autre. Certains diront que c’est le propre des disques moyens, et ils auront peut-être raison. Nous on a vu de la lumière à la fenêtre, on est rentré et on a aimé ce qu’on y a entendu. On y vient un peu par hasard, et on y reste pour l’ambiance générale. C’est un sacré bazar : les parties à la guitare sont complètement connes de puissance, les soli trop courts et décadents. Ce ne sera peut-être pas totalement suffisant pour le passage sur format long, mais à ce stade ça fait quand même assez bien le taf. Affaire à suivre donc.