Flower Boy

Tyler, The Creator

Columbia – 2017
par Aurélien, le 7 septembre 2017
7

Si GMD était TMZ, on pense qu'on aurait les headlines qu'il faut pour générer des milliers de clics sur ce papier. Malheureusement pour nous, l'auteur de ses lignes n'est pas Perez Hilton ou Jeremstar. Pour être tout à fait transparent, il perçoit un salaire qui lui donne juste le droit de s'offrir des vacances à Lloret De Mar en voiture. Alors à la question "Flower Boy est-il l'album du coming out pour Tyler, The Creator ?", on répondra bien tranquillement qu'on s'en contre-fout. Mais aussi que ce jeune con de Tyler Okoma a eu le chic de faire parler de son quatrième album pour les moins bonnes raisons. La preuve: on aura peut-être jamais autant parlé de la tête pensante d'Odd Future, depuis la sortie de son premier disque, à une période où il n'a jamais été aussi loin du rap, et aussi près de la pop extraterrestre des Neptunes.

Car à l'horizon, pas de rupture. Une seule écoute du produit fini suffit à confirmer que Tyler fait du Tyler, avec ces mêmes presets de synthé crasseux et ces beaux arrangements de cuivres et de violons. Et finalement, c'est très bien comme ça: Flower Boy montre que le Californien est plus que jamais en pleine possession de ses moyens, seul dans son fauteuil de chef d'orchestre mais toujours très correctement accompagné derrière le microphone. Et si sa musique a toujours autant de mal à totalement éclipser son charme imparfait, c'est surtout son relief et sa variété qui laissent ici un goût de reviens-y. Et qui garde en haleine surtout, car ce gros chewing gum est infiniment moins compliqué que Cherry Bomb, et plus consistant que Wolf

Si la maîtrise est bien là, Flower Boy renvoie encore et toujours une fausse image de son géniteur. Derrière sa façade de délire adolescent plein de gros mots et de couleurs pastel, Flower Boy porte les profonds stigmates de son enfance compliquée. Et si la figure du père absent commence à s'estomper, c'est désormais sur sa sexualité que Tyler choisit de se livrer, quitte à se montrer plus ambigu que jamais - le titre "Garden Shed" serait d'ailleurs un clin d'oeil à peine voilé à son supposé boyfriend. En marge de la thérapie, il prend également un malin plaisir à s'inspirer du Blonde de son pote Frank Ocean, n'hésitant pas à couvrir ses textes d'une épaisse couche de fulgurances trollesques ("I be kissing white boys since 2004" ). Tant et si bien qu'au bout du compte, on ne cherche plus à savoir si Tyler, The Creator aime les hommes: il s'amuse trop à brouiller les pistes pour qu'on y porte franchement attention. Surtout que c'est cette même envie de choquer qui insuffle à ce disque son côté contagieux.

Au fond donc, ce n'est pas grave si Tyler, The Creator n'arrive plus à surprendre: au fil de sa discographie, le Californien a réussi le petit exploit d'inscrire sa propre légende dans des disques qui ne ressemblent qu'à lui. Flower Boy, donc, c'est un nouvel exutoire branleur rempli de références au R&B des 90's et de belles révérences à Pharrell Williams. Mais c'est surtout un réel bain de jouvence offert par un type qui est bien décidé à se faire plaisir sur ses disques, que ce soit lorsqu'il doit chanter sur ses morceaux, ou lorsqu'il s'offre les services d'un Lil Wayne en grande forme sur un "Droppin' Seeds" qu'on aurait voulu plus long.

En résumé, Flower Boy est l'oeuvre d'un Tyler désormais sûr de sa recette et qui, six ans après son explosion médiatique, prouve qu'il est un personnage attachant qui continue de s'épanouir un peu plus à chaque nouveau disque. Et qui continuera probablement à le faire aussi longtemps qu'il gardera le regard tourné vers le soleil.

Le goût des autres :
6 Ruben 7 Alex 7 Émile 7 Dom 6 Victor