Il faut absolument écouter Krisy, next big thing du rap noir-jaune-rouge

par Aurélien, le 2 septembre 2016

Cette année, sans doute plus que les autres, c'est un vrai bonheur de relancer la machine GMD. On était presque soulagé de retrouver la compagnie du fauteuil de bureau, compagnon fidèle des moments passés (et futurs) à rechercher la punchline qui saura le mieux résumer un bon disque.

Tout l'été en tout cas, on n'a guère eu autre chose en tête que de réfléchir à tout ce dont on allait pouvoir parler aux dix mille anonymes qui rémunèrent notre travail en likes sur les réseaux sociaux (quand on a de la chance). Car c'est finalement la seule récompense quantifiable pour le chroniqueur consciencieux qui finit sa soirée le fion en sueur sur sa chaise et qui n'éteint son ordinateur qu'après être sûr d'avoir accouché d'un papier qui lui permettra de rejoindre son lit avec le sentiment du devoir accompli. Un beau succès d'estime quand on y repense.

Mais fini de se faire mousser : on a du pain sur la planche, à commencer par le résumé de ce formidable mois de rap. Car l'été fut chaud, l'été fut Damso. Sans faire de chauvinisme mal placé, le debut album du rappeur bruxellois nous a accompagné partout depuis sa sortie : sur la plage, dans les bouchons et même dans nos vaines tentatives de reprendre une activité sportive par 36°C à l'ombre. Mais ce n'est pas ici qu'on s'éternisera sur le sujet : ce serait couper l'herbe sous le pied de Simon, qui lui a déjà offert un papier d'exception et qui a même rencontré le bougre le temps d'une interview qui ne devrait plus tarder à se matérialiser. Quoi qu'il en soit, on ne pouvait pas passer sous silence "Paris c'est loin", titre absent de son Batterie Faible (malgré la présence du puissamment bankable Booba) qui cristallise à merveille tout le bien qu'on pense du Bruxellois.

On ne le dira jamais assez : la grande force de cette nouvelle génération de rappeurs bruxellois, outre leur stakhanovisme maladif, c'est leur versatilité. Ils savent rapper, chanter, mais surtout ils ont tous une formation de beatmaker qui leur permet d'avoir le nez toujours fourré dans une session Fruity Loops.

Une qualité qu'on retrouve aussi bien chez Damso que chez CaballeroHamza ou De La Fuentes, producteur belge à qui l'on doit la douce instrumentale qui magnifie le titre. Un producteur qui commence à prendre son envol côté micro sous le nom de Krisy, avec déjà dans sa besace une chiée de morceaux épatants lâchés sur Soundcloud et deux formats courts, dont le dernier est sorti au mois d'août. La transition était immanquable, parfaite : on ne pouvait pas reprendre du service sans rédiger une grosse news sur ce (pas si) nouveau venu, qui a de grandes chances d'affoler nos radars dans les semaines, voire les mois à venir.

Sa voix, elle est déjà familière pour pas mal de gens qui ont pu jeter une oreille très attentive sur Batterie Faible. Pas surprenant : s'il n'est pas crédité, c'est lui qui assure les adlibs du single "Débrouillard" et il est même planqué à droite et à gauche tout au long du disque de Damso, notamment côté machines. Les deux bonshommes ont en effet développé, avec le temps, une réelle complicité en studio, dont ils tirent tous deux bénéfice dans leurs carrières respectives. Une complicité pourtant loin de dissuader Krisy d'emprunter un chemin bien à lui. Tant mieux d'ailleurs, parce qu'avec son timbre café-crème, on le voyait mal "taper le crawl dans des chattes" comme son collègue. Non, lui, sa voix douce évoque davantage le flow sirupeux de MC Solaar mélangé à l'attitude nonchalante du dandy Dany Dan.

Un bagout et un charisme naturels qui s'imposent sans difficulté sur Parmi Vous, son premier court format où il propose une formule autrement plus laidback que celle de ses collègues - avec une aisance particulièrement effrayante lorsqu'il s'agit d'aligner les tubes de poche. Une performance qu'il confirme sans forcer sur Menthe à l'eau, sorte de transposition du "Ghetto Sitcom" de Disiz La Peste à l'ère Tinder. Pas sûr que le clin d'œil soit complètement calculé de la part du Belge, mais on retrouve dans ce second projet tout le côté gauche, imparfait et pourtant si attachant du rappeur d'Evry dans ses jeunes années, dépoussiéré grâce à une production bien calée dans son époque. Nos cœurs de baudruche ont fondu.

Vous l'aurez compris : on avait déjà le sentiment de passer notre temps à parler de rap belge, Krisy vient de nous donner une nouvelle raison de penser qu'on aura assez de matière pour boucler l'année rien qu'avec ce sujet - et pourquoi pas embrayer sereinement tout au long de 2017. Une perspective qui nous excite pas mal, d'autant que sa productivité lui a déjà permis de livrer deux projets en seulement quelques mois, de quoi patienter jusqu'à ce qu'il réussisse à accoucher d'un premier album solide. Une chose est certaine : à l'écoute de son tubesque "Oh My God" révélé il y a seulement quelques jours, on sera présent pour le voir grandir et gagner en maturité. Et s'il reste de la place, on jouera même des coudes pour se frayer une place jusqu'au premier rang tiens !