Dossier

2009 : les indigestions

par Tibo, le 8 décembre 2009

Les années riches en disques qui marquent l'histoire ne sont malheureusement pas légion. Par contre, pour ce qui est des bouses innommables et des amères déceptions, la production ne s'arrête pour ainsi dire jamais. Vous vous en doutez, et vous l'avez probablement remarqué, l'année 2009 n'a pas échappé à la règle avec son lot de mauvaises surprises. A l'arrivée, il a bien fallu faire des choix et piocher dans cette belle brochette de galettes à éviter à tout prix. Si par malchance, vous avez été la victime de l'un des dix malfaiteurs repris ci-dessous, vous saurez de quoi nous parlons. Pour les autres, sachez nous faire confiance et ne pas tomber dans le piège souvent tendu par des chargés de promotion qui vous ont vendu certains des artistes qui suivent comme des grands animateurs de l'année écoulée. Allez, c'est parti pour les "Indigestions 2009"...

  • Calvin Harris

    L'une des grandes questions qui nous turlupine encore et toujours en cette fin d'année 2009, c'est celle de savoir comment Calvin Harris a bien pu tomber si bas. Il y a deux ans encore, le jeune Ecossais incarnait le renouveau du mouvement disco avec les tubesques Acceptable in the 80's et Girls. En 2009, Calvin Harris s'est mis en tête de redonner ses lettres de noblesse à un genre qui n'en a jamais eu, l'Eurodance. Une démarche pour le moins osée qui a débouché sur Ready For The Weekend, une bouse innommable portée par le pire cauchemar musical de 2009, I'm Not Alone et ses synthés caloriques qui nous rappellent les pires soirées des années 90. A ce stade de nullité, ce n'est plus une indigestion, mais bien d'une gastro carabinée que nous a refilé ce salopard de Calvin Harris.

  • Weezer

    Rivers Cuomo est du genre gamin capricieux qui refuse de grandir. Grand bien lui en fasse. Ça nous ferait même presque plaisir de le voir jouer avec Lil Wayne ou Katy Perry. Seulement, ce genre de conneries, ça se mérite. Et visiblement, vu le succès dont bénéficie le groupe aujourd'hui, on se dit que son public a probablement oublié combien ce mec est pétri de talent. Aussi, on lui saurait gré de nous pondre à l'occasion un album digne de ce nom plutôt que de se complaire dans une soupe "power rock" indigne d'un groupe qui a accédé au panthéon du rock indépendant avec des tubes aussi intemporels que Buddy Holly, El Scorcho ou Undone (The Sweater Song). Et alors que les derniers efforts du groupe pouvaient au moins se permettre d'être portés par des singles décents, leur petit dernier, Raditude, affiche une unique constante: c'est calamiteux de bout en bout.

  • Dizzee Rascal

    Depuis l'immense Boy in da Corner, pierre angulaire du grime, le talent et la crédibilité de Dizzee Rascal n'ont cessé de s'étioler dangereusement. Ceci étant, le malicieux Anglais étant parti des sommets, Showtime ou Maths And English se retrouvaient aisément au dessus de la mêlée. Malheureusement, à force de traîner un peu trop dans les clubs pour people écervelés, Dizzee Rascal a pris une très mauvaise habitude: nous servir une musique sans âme, fadasse et dénuée de toute revendication. Et alors qu'on pensait sa petite escapade avec Calvin Harris sur le sympathique Dance Wiv Me serait un acte isolé, Dizzee Rascal a enfoncé cette année le clou rouillé avec l'insupportable Bonkers, produit par un Armand Van Helden essayant de s'aventurer sur les terres squattées par les Crookers. Les kids surkiffent. Mais ne l'oublions pas: c'est parfois très con un kid.

  • The Prodigy

    Avec The Fat Of the Land et sa marée noire de titres sales et méchants, The Prodigy dégainait un marteau-piqueur universel, métamorphosant les plaines de festival en dantesques pistes de danse. Sept ans plus tard, en 2004, un Always Outnumbered, Never Outgunned émergeait dans une relative indifférence, déclassé par son  horrible petit single Baby’s Got a Temper. Cette année, la bande à Howlett s’obstine à déterrer un big beat poisseux avec Invaders Must Die et son acide poison vire au bouillon de poule: ça pilonne, ça vocifère, ça mouline des bras. En régurgitant une techno pataude, le char d’assaut Prodigy fait toujours autant de bruit mais ne déplace plus les montagnes. Mal ma tête.

  • Bob Dylan

    Ses mélodies ont transcendé plusieurs générations, ses textes sont étudiés dans les universités les plus prestigieuses, sa voix abrite tous les secrets de ce bas monde. Qui est donc alors cet énergumène moumouté divertissant une troupe de bourgeois repus dans la vidéo Must Be Santa ? La plaisanterie de Grand 'Pa Bob distille un vin chaud migraineux. Tradition annuelle infaillible, il est toujours amusant de découvrir d’où provient le son de grelots de l’album pourri de Noël. Mais pourquoi Lui ? Pourquoi ? POURQUOOOI ? Une seule explication s’impose, aussi absurde soit-elle : le Zim est détenu par un groupe occulte résolu à en extraire l’essence du folk suprême. En attendant, il faudra se contenter d’un usurpateur bon marché qui se dissipera sans doute à l’arrivée du printemps.

  • Gui Boratto

    On a de quoi se faire du souci chez Kompakt. Le label de techno minimale à la suprématie mythique n'en finit plus de voir ses concurrents lui voler la vedette (Cocoon, Circus, Cadenza ou Get Physical), la faute à une très dommageable erreur d'appréciation concernant le futur de la minimale. Quand l'heure est aux rythmes house et aux sonorités éclectiques (exotiques?), Kompakt s'entête dans une minimale linéaire tendant toujours plus vers le progressif et le "trancey". Résultat des courses, les compilations Total se font de plus ennuyeuses et à côté de la plaque. Autre symptôme de ce sur place et pas des moindres, le deuxième album de Gui Boratto qui est une purge. Take My Breath Away est un copier-coller mal fichu du très estimé Chromophobia, sorti en 2006. À l'époque on croyait effectivement que la pop psychédélique était l'avenir du genre et on avait fait du Brésilien le fleuron de cette avant-garde. Manque de bol, trois plus tard, Boratto n'a pas bougé d'un iota mais le monde a changé autour de lui. Et on se retrouve avec un disque dépassé, horripilant de niaiserie et dans ses moments les plus catchy aussi crédible que le thème techno de Mortal Kombat. Has been.

  • Wolfmother

    Probablement un des groupes les plus populaires du renouveau du hard rock psychédélique, Wolfmother a réussi à hisser très haut un premier opus fulgurant. Wolfmother était direct, puissant et plein de promesses. On se réjouissait d’entendre Andrew Stockdale affirmer qu’il avait encore beaucoup de choses à dire, parce que, oui, on en voulait encore ! On en voulait encore, mais pas de trop non plus ! Or Cosmic Egg cumule les excès : il est trop long, trop lourd, trop mou et stéréotypé au possible avec ça! Et les stéréotypes, dans un genre qu’une foule de groupes essaie de réinventer à bon droit, ça rend très vite un album inutile. Bref, Cosmic Egg est resté en gestation trois longues années durant, mais la poule aux œufs d’or a fini par faire une fausse couche… et elle y est restée.

  • Mos Def

    De deux choses l'une: soit on a rien compris au hip hop, soit tout le monde se satisfait de bien peu avec Mos Def. Le Mighty Mos a remporté les lauriers de la critique et du public avec un album qui, six mois plus tard, nous apparaît toujours aussi nul. En effet, il est assez compliqué d'expliquer le succès d'un disque aussi plat, ennuyeux et mal conçu. Ce succès, il est même quasiment amoral parce qu'il consacre le demi-travail d'un gros feignant. La recette est simple: piquez des prods à gauche à droite (dans les albums de beats de Madlib ou les fonds de tiroirs de J Dilla par exemple), invitez des copains et des vieilles gloires qui vous mettront la patée derrière le micro (Talib Kweli, Slick Rick...), parlez de sujets démagos (Katrina c'est pas sympa, la Guerre en Irak ça fait des morts), saupoudrez le tout d'un flow indigne et d'une pincée de rock insupportable (personne ne pourrait lui dire qu'il devrait arréter les guitares electriques depuis au moins deux albums?) et vous obtenez un disque étiqueté Must Have 2009. Alors vraiment, soit on est vraiment de vieux aigris (après tout, pourquoi pas?), soit le public n'attend plus grand chose d'un MC du calibre de Mos Def en se contentant d'un disque aussi piteux. Car oui, si on tabasse aussi violement le dernier essai du natif de Brooklyn, c'est parce qu'on sait que l'homme est génial, surdoué et largement au dessus de la masse les fois où il fait les choses correctement. Ce qui est bien loin d'être le cas avec "The Ecstatic", comme avec ses deux albums précédents.

  • Bloody Beetroots / MSTRKRFT

    MSTRKRFT, Bloody Beetroots, même combat. Et on aurait pu encore 'namedropper' tout un tas de suiveurs qui n'ont – heureusement – pas eu l'opportunité de sortir un long format ces derniers mois. Voici donc un coup de gueule commun voire généralisé contre cette insupportable mode du pet enflammé. Il y a quelque chose de vraiment nauséabond dans cette débauche sans discrétion aucune de flatulences sonores. Car non seulement ces albums puent jusqu'à nous priver de tout air respirable, mais leurs auteurs se permettent en prime de nous asphyxier avec une attitude déplorable de petits champions fiers de leurs enfantillages. Plus qu'une simple erreur de casting, plus encore qu'une grossière faute de goût, les nouveaux standards d'electro saturée réinventent par le bas la culture clubbing, ici réduite à un vide crâneur et péremptoire, à une superficialité jusqu'au-boutiste et sacralisée. On peut simplement dire : du balai. Ou sinon : au secours !

  • Simian Mobile Disco

    Le plus ennuyeux avec Simian Mobile Disco, c'est qu'au départ, on y croyait vraiment à ce deuxième disque. On pouvait légitimement s'attendre un truc fichtrement bien léché, un poil rock 'n' roll, un brin disco; un truc entre Hot Chip et LCD Soundsystem quoi! Il y a quand même chez ces mecs un réel talent de production, un sens du son et de la mélodie et avec ça, un premier album qui, sans être complètement renversant, avait quand même marqué le coup. Alors voilà, on attendait la suite, heureux de pouvoir se délecter de bons sons. Malheureusement, cette suite fut, comment dire, en dessous des espérances : une dance putassière, grossière même parfois. Sans trop savoir pourquoi, nos deux James (Ford & Shaw) ont loupé le coche avec un album truffé de collaborations qui en jettent et des refrains souvent faciles, trop faciles. Tempory Pleasure n'est finalement rien d'autre que du toc, du bling bling, ces babioles que l'on achète pour leur brillance et qu'on regrette une fois rentré chez soi. Tempory Pleasure est trop criard, trop kermesse, trop trop, tout simplement. Oubliez-le vite très vite et revenez à Attack Decay Sustain Release. En 2009, Simian Mobile Disco n'est pas mort mais en a foutu un sacré coup à sa réputation. Dommage, on aurait aimé y croire, nous.