Yes

Shinichi Atobe

DDS – 2020
par Aurélien, le 24 juillet 2020
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Mais qui es-tu, Shinichi Atobe, ô mystérieux conteur de ritournelles techno, et aujourd'hui house ? Te connaissons-nous déjà sous un autre nom ? Peut-être plusieurs personnes se cachent-elles derrière ce patronyme ? Es tu seulement japonais ? Autant de questions qui demeurent sans réponse, mais qui trahissent une évidence : ton talent est loin d’être à la hauteur de la reconnaissance dont tu fais l'objet.

Depuis cinq ans et notre rencontre arrangée par un algorithme Youtube qui nous voulait du bien, tu nous balades dans les méandres d’une dub techno pleine de mélancolie, qui sait pourtant souffler à l’oreille des dancefloors. Tu es proche d’Actress dans ton intention, de Basic Channel dans ton amour de la boucle hypnotique, mais tu es suffisamment talentueux pour ne pas être jaloux. Ton truc à toi? Bâtir de longs tunnel techno entre deux morceaux plus accessibles. Avec toujours cette science de la boucle parfaite que tu travailles comme un artisan.

On se demande comment tu vas en ce moment, caché derrière cet anonymat que tu portes comme un masque. On suppose que la fermeture de tes clubs préférés te peine autant que nous tous, sinon un peu plus encore. De notre côté, elle nous a amené à bouder la techno, à chercher la lumière pour savoir raison garder en cette période difficile où nos loisirs sont bousculés par le spectre de la dépression économique. Coincé dans ton studio à écrire des chansons, on imagine qu’il n’y avait que tes machines pour tenter de contrer la négativité. Grand bien t’en fasse : avec Yes, nouvel album annoncé quelques jours seulement avant sa parution physique chez les copains de Demdike Stare (et leur label DSS), tu quittes enfin les égouts et la techno qui fait trembler les murs pour faire souffler une brise dream house sur tes habituelles obsessions. Sans nous laisser le temps d'avoir vu venir quoi que ce soit, tu nous offres un nouvel album absolument magistral, qui applique ton savoir-faire à d’autres couleurs, invoquant parfois même des squelettes italo disco ou conviant des grooves moites hérité des musiques électroniques de Chicago. Et tu sais quoi ? Ça nous fait un bien fou.

Qu’on ne s’y trompe pas pourtant : ce minimalisme et cette économie de moyens propres à la musique de Shinichi Atobe ne sont pas aux abonnés absents sur Yes. C'est même tout le contraire: il s’agit toujours pour lui de dire un maximum de choses en un minimum de mouvements, d’exploiter au maximum chaque bout de groove, sans jamais sombrer dans quelque chose de putassier ou vain. Loin des concessions et des formules, Yes balade sa panoplie de bangers et confirme la constance de ce producteur discret, qui prouve qu’il n’est pas seulement extrêmement talentueux, mais aussi capable d’investir de nouveaux univers - même si les indices annonçant cette mutation ne manquaient pas sur son précédent album, Heat.

Yes est une petite bombe, et un cri de bonheur adressé à nos nous du futur qui pourront enfin réinvestir les clubs avec l’insouciance du passé – et vivement que ce moment arrive.

Le goût des autres :