The Ecstatic

Mos Def

Downtown Records – 2009
par Soul Brotha, le 18 juin 2009
2

Potentiellement, Mos Def est un des MCs les plus géniaux de sa génération. Son flow impressionnant, son charisme, son ressenti musical ont fait de lui une sorte de messie underground au début de sa carrière. Tout cela date d'il y a dix ans, et l'année 1999 reste dans les mémoires comme celle de Black On Both Sides, premier opus de ce rappeur de Brooklyn ayant donné des frissons à tout fan de hip hop qui se respecte.

Depuis, si l'acteur ne se débrouille pas mal, le rappeur Mos Def ne cesse de décevoir. The New Danger (2004), cette tentative de crossover rap/rock, est un album assez crispant, difforme (bien loin des Phrenology ou autres Electric Circus datant de la même époque) et Tru3 Magic (2006) restera dans les mémoires comme une mauvaise blague musicale et commerciale (la boîte en carton sans pochette vendue au prix d'un CD normal, c'était fort). The Ecstatic est donc fort attendu par une communauté hip hop désireuse de voir le Mighty Mos à la hauteur, enfin. Ce sera malheureusement peine perdue.

En effet, il est assez compliqué de déceler des qualités à cet album de rap sous prozac. Pourtant, sur le principe, on peut penser que Mos a voulu faire les choses correctement en s'entourant de Madlib, de son frère Oh No, de Chad Hugo (The Neptunes) ou, plus surprenant, de notre Mister Flash national. Pourtant, la plupart de ces beats n'ont rien de neuf: le crispant "Life In Marvelous Time" est une repompe d'un (tout aussi crispant) morceau de TTC et la plupart des beats de l'ex-Lootpack et de son frangin sont issus d'anciens projets divers et variés tels que Madvillainy 2, Oh No Experiment ou Beat Konducta In India. Bref, si c'était pour faire un disque de bootlegs, une street tape aurait suffit.

Concernant la partie musicale, il n'y a pas grand-chose d'autre à dire. La majorité des beats n'ont pas été pensés pour Mos Def et sont de toute façon très mal choisis. La ritournelle arabisante "Wahid" est ennuyeuse tout comme "No Hay Nada Más", posé tout en espagnol et qui apparaît comme un exercice de style convenu et raté sans oublier "Workers Comp." où Mos redevient ce chantonneur énervant.

Dans le fond, le plus rageant dans cet album, c'est que l'on ressent un évident manque d'envie et d'implication de Mos Def. Son flow est mou, dénué de verve et d'enthousiasme. Les beats n'aidant pas à rehausser l'ensemble, on est forcé de bayer aux corneilles. Les rares moments vaguement intéressants sont ceux où le natif de Brooklyn tente un peu de se remuer, ça donne "Casa Bey" ou "Quiet Dog Bite Hard".

Ce manque d'implication, on le ressent surtout lorsqu'on écouté Black On Both Sides. Ce projet était une véritable mise à nu de Mos Def, il a participé à toutes les étapes de la conception: écriture, composition et même interprétation (la pochette, d'ailleurs, symbolise cette  personnalisation poussée). Ici, celui qui était un MC fougueux pose mollement sur des beats qui n'étaient même pas pour lui au départ et semble s'ennuyer à mourir, presque autant que nous. Où est passé le technicien de haute volée de "Speed Law", l'auteur clairvoyant de "Fear Not Of Man", le musicien sensible du déchirant "May-December"?

Cette chronique peut paraître sévère, elle l'est sûrement mais elle est à la mesure de la déception suscitée par la carrière de Dante Smith depuis dix ans. On ne peut s'empêcher de penser au "syndrome de Nas": monter au firmament lors du premier album et ne plus pouvoir l'assumer par la suite (même si l'ami Nasir a fini par retrouver la voie, avec le temps). The Ecstatic est un album indigne d'un artiste du calibre de Mos Def, une insulte à ses auditeurs. Il ferait probablement mieux de se consacrer à sa carrière d'acteur (ça commence à décoller pour lui à ce niveau) et de revenir au hip hop quand il en aura réellement envie. Ce sera peut-être sur l'éventuel Black Star 2 (suite de la collaboration magique avec Talib Kweli entamée il y a dix ans) annoncé depuis un moment, mais s'il se fait bouffer par son compère comme ici dans "History", ce n'est pas la peine. Quoi qu'il en soit, il faut vite oublier cet album, très vite.

Le goût des autres :
5 Simon 4 Amaury L