Soulkiller

Antonelli

Italic – 2008
par Simon, le 1 mai 2008
8

WARNING ! All tracks recorded live to tape recorder, no computers used, no overdubs, strictly hardware melody, mono machine drum. Ce message inscrit au dos de la jaquette est on ne peut plus clair : Antonelli, pionnier d’une certaine minimale mélodique toute allemande et accessoirement fondateur du label Italic, en revient à des choses simples en privilégiant les bonnes vieilles machines aux ordinateurs pour la composition de son sixième album. Quelle meilleure idée de délaisser les nouvelles technologies pour offrir à ses auditeurs un pan maintenant presque oublié de la composition minimale fait intégralement de ces vieux synthés et séquenceurs analogiques, le tout enregistré sur le plus basique des magnétophones.

On pourrait penser dans un premier temps à un pied de nez formidable aux productions actuelles du genre, qui emmène petit à petit le minimalisme électronique dans un cul-de-sac dont l’issue semble se resserrer jour après jour. Mais au-delà de cet aspect réactionnaire aussi implicite qu’incertain, force est de constater que cette forme post-moderne de techno rend ses lettres de noblesse à une émotion simple et distinguée. Car l’usage exclusif de matériel suranné contraint notre producteur à repenser les schémas contemporains de composition pour espérer tirer la quintessence de ce croisement subversif. Heureusement pour nos lecteurs, le talent d’Antonelli suffit amplement pour métamorphoser ce concept album en une œuvre magistrale de lucidité et de bon goût. La progression est habilement menée dans des ambiances oldschool tout à fait jouissives, résultat logique d’une performance live (entendons par là un enregistrement réalisé en « one-shot ») qui privilégie la spontanéité la plus naturelle, l’esprit du producteur étant directement mis à nu sur bande magnétique (un œil sur ce « Cold Entertainment ! » ravageur devrait convaincre les plus sceptiques d’entre vous). Le groove est, lui, rapidement porté à ébullition tant ses explosions, même les plus légères, sont le fruit d’un véritable petit travail d’artisan.

C’est donc un véritable bonheur d’entendre ce recueil d’une soul music moderne, taillant sa propre voix au travers du carcan, manifestement fragile, dans lequel certains tentèrent de faire entrer de force une techno minimale définitivement sensible au regard de cet essai réussi. C’est tout cela qui fait de Soulkiller une œuvre à part, portée au plus haut point par la simple rotation de quelques boutons directement sur l’engin même, rétablissant par là le dialogue sacré qui pouvait exister entre le producteur et son matériel. Avec cette tentative heureuse, la techno minimale redevient une entreprise humaine et enivrante de par un certain côté terre à terre et consacrant avec une certaine logique l’indispensable présence de ce producteur au sein de la grande famille électronique. Indispensable.