Relatives In Descent

Protomartyr

Domino Recordings – 2017
par Yann, le 18 octobre 2017
7

Il est difficile de parler de Protomartyr quand on est un européen francophone. Le groupe de post-punk originaire de Détroit manie une langue riche et charrie sa flopée de références à sa ville et à son pays. Mais même si on manque une bonne partie de ce qui est écrit, on comprend rapidement le message quand Joe Casey l'ouvre pour éructer. Sur ce quatrième album (le premier pour la powerhouse indie Domino Recordings), on retrouve la même énergie, la même classe, la même voix qui avait déjà fait mouche sur les précédents disques, tout cela au service d'histoires qui racontent une Amérique qui a perdu ses repères. 

Tout commence très fort avec "A Private Understanding", ses roulements de batterie, son relief accidenté et ses paroles déclamées. On retrouve bien sûr ces sonorités post-punk instantanément identifiables (on pense beaucoup à The Fall), mais la structure et le chant s'en éloignent suffisamment pour dérouter. C'est paradoxalement un morceau qu'on passera beaucoup aux premières écoutes, avant d'y revenir. Plus loin, l'angoissante montée de "My Children" constitue le point d'orgue du disque, démontrant l'étendue des talents d'un groupe au service d'un leader dont le charisme suinte à chaque syllabe. A côté de cela, des morceaux aux accents plus pop ("The Chuckler", "Don't Go To Anacita") semblent montrer une formation qui rentre dans le rang, mais qu'on ne s'y méprenne pas: leurs refrains sont calibrés pour vous rester en tête - on a d'ailleurs hâte de les écouter sur scène, car leur potentiel d'électrisation des foules est indéniable.

Et si on ressent une baisse d'inspiration (mais pas de régime) sur le dernier tiers du disque, on le termine sans le moindre déplaisir. Et puis aller au bout du disque, c'est écouter "Half Sister", ultime titre qui condense l'essentiel de ce que Protomartyr a à dire: il y a de la mélancolie, de la noirceur, de la colère, et tout cela est délivré avec une aisance qui pourrait passer pour de la nonchalance. Il n'en est pourtant rien.