Modonut 2

A force de courir après les charters, pas étonnant que le Beat Konducta laisse se perdre quelques uns de ses plus précieux samples glânés aux quatre coins du monde. Moins étonnant par contre: les retrouver dans les valises de deux autres globetrotters du cratedigging, Mister Modo & Ugly Mac Beer, pas franchement du genre en avance pour l'embarquement eux non plus après un récent trip mexicain particulièrement relevé qui ne leur a même pas permis de s'asseoir sur le trajet du retour. C'est donc les échantilloneurs et le tourne-disques en équilibre sur le plateau des hôtesses que nos trublions signent cet attachant nouveau volume des Modonut, hommage à peine déguisé aux beignets post-mortem de James Yancey, après un premier volume glorieux emmené par un single tubesque.

Même mode opératoire sur cette nouvelle monture aussi spontanée et cartoonesque que la précédente: des pistes qui dépassent rarement les trois minutes, ponctuées de nombreuses interludes à la MF Doom entre deux beats samplés ça et là sur une bande son de film porno balkan ou sur un vieux 12' de bossa nova que les craquements du vinyle ont confiné à l'immortalité. Débordant d'une bonne humeur contagieuse et d'un second degré à la limite du kitsch que même la voix soul de Jessica Fitoussi ne parvient pas à déséquilibrer, la paire de beatmakers français aligne vingt titres en bons « globe-diggers » et « loop providers », court-circuitant une certaine tranquilité par les contributions vocales incendiaires des MCs Mike Ladd, F. Stokes, Psycho Les et Craig G. Et même si cette beat-tape se révèle parfaitement équilibrée bien qu'un brin hermétique, on se plaît à imaginer ce que serait probablement l'exceptionnelle teneur d'un pareil projet si le duo s'était montré un peu plus aventureux, à la manière par exemple d'Handsome Boy Modeling School, le projet collaboratif de Dan The Automator et Prince Paul, car c'est sans conteste la meilleure comparaison que peut supporter Modonut 2.

Mister Modo & Ugly Mac Beer ne sont pas tout à fait J Dilla mais ce tour du monde en 80 boom-bap se révèle tout aussi charmant, coloré et fluide que son prédécesseur, malgré quelques pistes de trop. Pas de quoi toutefois retourner la tendance ni réinventer le beatmaking, mais ce retour à la bonne boucle décidément très en vogue en ce moment a un effet rafraîchissant sur les consciences. En gros, cette nouvelle livraison de deux routards du beatmaking made in France fait partie de ces petits plaisirs coupables que l'on préfère réserver aux fins de semaine ensoleillées et lascives, entre deux épisodes de Community et le sacro-saint blunt dominical.