Du∆lity

Captain Murphy

 – 2012
par Aurélien, le 3 décembre 2012
7

Au pays du hip-hop fumé de l'encéphale, la sainte trinité formée par Gonjasufi, JJ Doom et The Gaslamp Killer règne en maître sur cette année 2012. Mais c'est un challenger pas-si-mystérieux-que-ça qui risque d'un peu bouleverser cet ordre établi. Car planqué derrière l'alias Captain Murphy, c'est le fascinant Flying Lotus que l'on retrouve en train de toaster derrière un micro plutôt qu'à tripoter sa MPC. Le résultat pourrait faire peur, mais à l'arrivée le mystère qui a entouré le personnage est loin d'être le cache-misère d'une absence totale de compétence vocales. Du∆lity boucle même avec classe la boucle décrite par les trois mastodontes précédemment évoqués. Et vu la qualité des galettes invoquées, ce n'est pas rien.

MF Doom avait ses supervillains. Murphy, lui, a ses superfidèles. Chez le capitaine, on préfère sacrifier de la vierge par palettes ou faire de la préparation de la fin du monde un hobby commun - si possible sur fond de samples psych-rock 70s. Joliment interrompue par des interludes et des skits au bon goût de second degré, la narration de Du∆lity se déguste comme une série Z borderline découverte au détour d'une insomnie peu productive passée sur RTL9. Et ce ne sont certainement pas les mesures habitées de l'improvisé MC qui viendront nuire à son délirant fil rouge : entre égo-trip divin et mystique possédée, FlyLo place ses mesures sans encombres ni fioritures dans une relecture psychédélique d'Operation Doomsday au pays des scientologues, que la présence de Jeremiah Jae, Teebs, TNGHT ou Azizi Gibson n'entrave nullement.

La tactique prônée par Captain Murphy est donc solide et même carrément inspirée. Mais sa démarche musicale n'en reste pas moins dilettante: marchant sans prendre trop de risques sur les plates-bandes de Quasimoto, le projet rap-sous-hélium de Madlib, ou s'appropriant l'esthétique rétro de MF Doom, Du∆lity semble ne jamais trop faire d'efforts pour imprimer une formule qui lui est strictement personnelle. Un sentiment de déjà entendu d'autant plus désagréable que plus d'un tiers de l'album avait été révélé préalablement à sa mise en écoute, et que celui-ci aligne péniblement trente-cinq minutes de musique au compteur. Mais étant donné la totale gratuité du produit, est-il réellement nécessaire de s'arrêter sur pareil grief ?

Le premier produit de Captain Murphy privilégie donc un peu trop la maîtrise de son sujet à une quelconque bousculade des codes du genre. Mais n'est pas Shape Of Broad Minds qui veut après tout, et difficile de toujours faire un coup de maître au premier essai : Du∆lity nous met en tout cas suffisamment d'arguments sous le nez pour nous convaincre de ne pas bouder notre plaisir, et permet même à son géniteur de se poser comme le Tom Cruise attitré du rap jeu américain. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, ça sonne presque à nos oreilles comme un compliment pour l'avenir de ce side-project dont on espère une suite plus fournie.

Le goût des autres :
7 Bastien 8 Soul Brotha