Diaspora Problems

Soul Glo

Epitaph Records – 2022
par Alex, le 31 mars 2022
8

C’est un secret encore bien gardé mais on ne saurait vous garantir pour combien de temps. Après plusieurs années d’activités jonchées de sorties DIY et remarquées principalement par les sphères spécialisées (dont le sympathique Songs To Yeet At The Sun sorti il y a deux ans sur le label de Jeremy Bolm, frontman de Touche Amore), Soul Glo fait le grand saut cette année. Vers un label plus imposant, Epitaph Records en l’occurrence, et avec Diaspora Problems sous le coude, un album passionnant, tendu tout du long et surtout un bel indicateur de la porosité aux influences extérieures dont la scène hardcore peut encore faire preuve, et souvent avec brio d’ailleurs (coucou Turnstile).

Soul Glo a donc des choses à dire sur un disque auto-produit dont la composition a débuté en 2016 mais qui sonne pourtant comme s’il venait du futur. Quelque part entre post-hardcore, punk, emo et noise, le groupe de Philadelphie tape dans tous les sens, non sans un certain sens de la référence, notamment au punk des années 80 (pensez Bad Brains ou Dead Kennedys par exemple) mais va aussi chercher de l’eau pour son moulin du côté du screamo et du hip-hop. Un sacré bordel qui s’étale sous nos oreilles pendant 40 minutes sans qu’on ne les sente passer, et qui ne pourrait pas plus donner l’air d’être une expérience cathartique pour la bande à Pierce Jordan. Ce sont d’ailleurs ses parties vocales, ultra-rapides et frénétiques, qui captent toute notre attention. Sa palette reflète cette multitude de sonorités mais amène également une forme de sensibilité sur la table. Ajoutons à cela que le quatuor laisse une belle place aux femmes sur ce disque avec les présences de la rappeuse Mother Maryrose sur le très trap “Driponomics”, la Dj BEARCAT sur “The Thangs I Carry” ainsi que Kathryn Edwards (chanteuse de Thirdace) et Zula Wildheart sur un effarant “John J” pour livre une performance sans contrainte ni concessions.  

Notons a toutes fins utiles que Soul Glo fait partie d’une vague de jeunes groupes hardcore US (écoutez Zulu, Buggin, Move ou Action News) comprenant des personnes racisées en leur sein (3 membres sur 4 ici) et qui ont un avis bien tranché sur les violences policières aux Etats-Unis. En témoigne ce brûlant “We Wants Revenge”. Que le hardcore ne soit pas qu’une affaire de blanc, c’est tant mieux, et si la composante politique est bien l’un des aspects du projet, le groupe ne se limite pas au traitement du racisme institutionnel  dans ses chansons mais aborde autant de thématiques plus personnelles comme le suicide ou l’addiction. Soul Glo fait preuve d’une telle vivacité que l’écoute de Diaspora Problems est autant une expérience électrisante qu’éreintante. Mais c’est cette radicalité et sa générosité qui en font le sel et placent le groupe de manière admirable dans son époque. 

Le goût des autres :