Burn Your Own Church

Black Strobe

Playlouder – 2007
par Simon, le 6 juillet 2007
7

Dire que l’album des Parisiens de Black Strobe était attendu a pris l’ampleur d’un doux euphémisme tant le talent de remixeurs de ce duo, partiellement dévoilé sur leur précédent A Remix Selection, avait su faire parler de lui ces dernières années. A l’origine composé d’Arnaud Rebotini et d’Ivan Smagghe (dit « Ivan le terrible »), le groupe avait su exciter l’attention et les oreilles du monde électronique tout en restant dans une certaine marginalité désirée; il mettait de son côté toutes les armes dont la hype lui avait fait don sans tomber dans ses travers spectaculaires et souvent pathétiques. Les choses ont un peu changé, voire presque basculé, à l’annonce du départ retentissant d’un atome de ce duo de génie : Ivan Smagghe décidait d’aller se prélasser à d’autres soleils, laissant Rebotini libre de tous mouvements, et c’est accompagné par David « Siskid » Shaw à la basse et Benjamin Beaulieu à la batterie que le groupe va décider de persister, de forcer la chance autour d’un disque qui décide avec surprise de tourner le dos à ses anciennes productions. Quoique cette surprise était peut-être attendue vu les titres qu’ils avaient précédemment choisis de remixer, à savoir entre autres Rammstein ou encore The Rapture, mais de là virer de bord de cette manière c’est autre chose.

Black Strobe aurait-il viré fou depuis peu ? Eh bien il semblerait que non, car si le groupe a troqué ses kicks pour des guitares et ses samples pour des baguettes, c’est bien pour augmenter un peu plus, et même sensiblement, son potentiel accrocheur. La première piste vient à la charge pour me contredire et signe un titre orienté club où résonnent déjà les premiers accords de quelque chose autrement plus électrique, bien ficelé mais dans un schéma somme toute trop classique pour réellement impressionner. Mais dès les premiers instants de « Shining Bright star » on comprend que ce Burn Your own Church a ce petit quelque chose de plus que le reste : guitare basse qui claque, batterie en puissance et claviers electro au maximum pour essayer de se faire une place entre les accords de guitare électrique, le timbre de voix est calqué sur un certain Dave Gahan, et la comparaison entre les Français et Depeche Mode a de quoi étonner sur un très significatif « Girl Next Door » ou Rebotini nous rappelle à tous que Depeche Mode a aussi été, dans son temps, un groupe précurseur capable de grandes choses, un travail mélodique impeccable soutenu par la gravité d’une voix qui rappelle quelque chose de douloureux, ça sonne drôlement bien en tout cas. Les synthés et les basses hurlent sur un « Blood Shot Eyes » direct et sans complexe, rassurant l’auditeur que l’apparat électronique du groupe n’a pas totalement été rangé au placard. Alors arrive l’événement, la clé de voûte qui prouve à tous l’ouverture d’esprit et le brio de cet album : une reprise inespérée de « I’m A Man » de Bo Diddley (qui avait été repris lui-même par les Sonics en leur temps) dans une version névrosée alors que le groove de cette guitare garde toute sa sublime originelle. « You Should Be » est peut-être le titre le plus représentatif de la double personnalité de Black Strobe à ce jour, un esprit electro coincé dans un corps de rockeur, les deux faisant front pour mieux toucher leur cible, car au final le groupe (on peut maintenant sans danger parler de groupe) fait à tout les coups la feinte du double impact : une oreille séduite par le digital, et l’autre littéralement défoncée par l’organique. Comme un message, l’album se rapproche de la fin sur « The Last Club On Earth », comme si la terre avait finalement été vidée de ses dancefloors, ne resteraient alors que des caves, des trous où nous pourrions écouter jusqu'à satiété le son de Black Strobe, devenu depuis peu l’empereur de ces lieux désertés.

Burn Your Own Church tape juste sur tous les tableaux : annihilant les derniers opus de Depeche Mode qui n’avaient de mythique que le nom, éliminant d’un revers de la main l’electroclash putassier façon Berlin et ses « putes à frange », Black strobe oppose au monde sa vision électronique qui passera définitivement par le son crasseux des guitares. Brûler sa propre chapelle n’a dès lors plus rien de risqué avec ces dégénérés du son de demain, et ce, toujours à l’abri des codes dictés par les groupes dominants auto-proclamés.

Le goût des autres :
6 Jeff 7 Julien 6 Nicolas