Abbath

Abbath

Season of Mist – 2016
par Simon, le 31 mars 2016
8

Pour le coup, on peut affirmer qu’Immortal a plutôt mal choisi le nom de son groupe. Jadis fers de lance de la deuxième vague du black métal norvégien, les trois chauves-souris se battent aujourd’hui devant les tribunaux pour savoir à qui appartient les droits d’utilisation du nom et du logo du groupe après le départ d’Abbath annoncé l’année passée.

Une guerre de marketing bien loin de l’époque où Burzum réglait ses différends artistiques en plantant vingt-trois fois son couteau dans le corps de son guitariste, mais qui a finalement donné gain de cause à Demonaz et Horg, autorisés (et déterminés) à relancer la machine Immortal incessamment sous peu. Une querelle de drama queens qui laisse néanmoins le leader du groupe seul sur le bas-côté, devant reconstruire un mythe à la force de ses petits bras. Sauf que le Abbath embarque avec lui des arguments de poids : son corpse paint de catcheur éternel et son statut de meilleur guitariste de la scène old school.

Parce qu’il ne faudra pas oublier que quand il reprend la guitare du groupe en 1997 - Demonaz a dû abandonner son instrument préféré et passer à la basse et à l’écriture à cause… d’une tendinite récurrente – Abbath se présente au monde l’année suivante comme l’écrivain d’un des plus grands récitals du metal contemporain avec At The Heart of Winter. Toute la science d’Abbath est là : du black métal nordique chargé d’attitudes heavy métal, le délicieux paradoxe d’une musique qui veut à tout prix se la jouer permafrost mais qui possède un cœur chaleureux contre lequel elle ne peut rien. Rajoute à cela le kitsch d’une voix absolument iconique - enfonce-toi une canette de Red Bull dans l’œsophage et essaie de faire des cris de nécromancien possédé par Cthulhu, tu verras – et tu obtiens une des plus grandes formations métal tous genres confondus.

Pour reprendre les choses à la base, le leader charismatique s’entoure de King Ov Hell (ex-Gorgoroth) et d’un batteur masqué sobrement appelé Creature (apparemment, le mec aurait déjà quitté le groupe). Hors de question de renoncer à son orgueil, le nom du groupe portera la marque de son despote de chanteur. Qu’importe finalement, puisque ce premier long format est une bombe d’énergie, de mélodie et de kitsch assumé.

Du gros black métal/heavy qui roule au son d’une production guerrière, qui swingue au gré de relances rythmiques assez folles et qui balance de la patate dès le petit-déjeuner. Si les premières écoutes peuvent paraître lambda, on se rend pourtant vite compte que ce disque a pour ainsi dire tous les éléments dans sa besace pour devenir tranquillement un classique du genre. On y trouve de la hauteur, de la vivacité et le tout s’écoute sans temps mort. Au départ, on s’est d’ailleurs demandé si on aimait vraiment ce premier effort solo d’Abbath, sa démesure dans l’écriture, et puis on s’est rendu compte que, sans le savoir, on écoutait ce disque matin, midi et soir sans passer un seul titre.

Et puis, quoi qu’on en dise, quel plaisir de se retrouver sur le dos d’un fier destrier à traverser les forêts norvégiennes à flanc de fjords, à toute blinde et en brandissant son épée imaginaire comme un paladin maudit. Une impression de puissance, un contenu extatique, lyrique et épique, et finalement une belle porte d’entrée pour tous ceux qui voudraient jouer les black-métalleux sans trop passer pour une goule cannibale en société.