Until The Quiet Comes

Flying Lotus

Warp – 2012
par Aurélien, le 9 octobre 2012
7

D'aucuns diront que, tout neveu d'Alice Coltrane soit-il, les beats de Flying Lotus ont toujours eu un arrière-goût de surestimé. Et sans doute auront-ils un peu raison: car si l'on ne remet pas en cause le talent et la patte inimitable d'un beatmaker qui a su se faire une place au soleil pile entre J Dilla et Dabrye, on ne peut s'empêcher d'abhorrer l'aura de Cosmogramma, précédente plaque du luron à la facture certes correcte mais qui a souffert de toutes les louanges exagérées qu'on lui a prêté. Et si la seule annonce d'Until The Quiet Comes avait suffi à remettre un désagréable feu aux poudres, force est de constater que la surprise n'est pas si mauvaise de la part d'un type qui dégaine une plaque à mi-chemin entre la beat tape et l'album. Il s'y présente même plus que jamais coincé entre le cosmos et Détroit, tout en gardant un peu plus la tête sur les épaules. Ouf.

Et "FlyLo" se veut plutôt rassurant d'entrée de jeu: là où Cosmogramma était une tempête qui nous mettait le coeur à l'envers, cette quatrième plaque incarne plutôt bien le calme que son intitulé laisse supposer. Ainsi, hormis quelques réminiscences cosmogrammiennes, cette nouvelle livraison aurait plutôt tendance à faire figure de crème apaisante étalée sur ce gros coup de soleil qu'est l'opus magnus du beatmaker. C'est d'ailleurs toute la spontanéité d'un producteur souvent excessif qui semble vouloir ressortir dans cet album. Proche de Cosmogramma dans son fond et de Los Angeles dans sa forme, le résultat est un prétexte idéal à de nouveaux endolorissements de nuque où Flying Lotus, tiraillé entre ses deux précédents efforts, privilégie ouvertement la maîtrise à une vaine tentative de nouveauté. Un radical manque d'audace que l'on a vite fait de déceler à l'écoute des redites parfois feignantes - "The Nightcatcher" ou "Electric Candyman" - mais qui s'articule avec une telle cohérence qu'il épargne les baisses de régime et offre un bloc vivace et lumineux où le hip-hop cajole le jazz sans qu'aucun des deux ne tire trop fort la couverture de son côté.

On sera toutefois honnêtes en disant que ce nouvel opus résonne comme la mise à jour d'un album qui à déchaîné les passions: le surplace opéré par cet Usain Bolt du beatmaking nous permet alors de douter de la capacité d'expérimentation d'un type qu'on avait l'habitude de voir chiner, à l'instar de son collègue Daedelus, dans une masse de genres pour pondre une mixture sortant des sentiers battus. Until The Quiet Comes est un album qui se prélasse dans une zone de confort où chaque beat fait l'objet d'une production minutieuse mais aussi dramatiquement familière. Et on imagine difficilement que les plus hostiles aux psychédélismes du musicien puissent trouver refuge dans ce Cosmogramma light là où les plus fans, eux, risqueront d'en être pour leurs frais.

Et donc, Flying Lotus ne révolutionne malheureusement plus Flying Lotus. Pour autant, en prenant la parfaite mesure des excès de son aîné, la narration de la quatrième plaque de Steven Ellison s'épargne d'épineux égarements en s'appréciant dans une continuité bienvenue. Et malgré quelques lourdeurs en bout de course, il semble bien que le calme soit enfin revenu avec cet album, au détriment d'une inspiration qui risque peut-être de manquer dans les prochaines livraisons de l'Américain.

Le goût des autres :
7 Soul Brotha