The Centre Cannot Hold

Ben Frost

4AD – 2017
par Côme, le 8 novembre 2017
8

Si Ben Frost aura été très actif en cette fin d’été 2017, nos rencontres avec sa musique se sont faites de deux manières: on l’a vu réinterpréter cet été la musique de Solaris accompagné d’un orchestre (et dieu que ce fut paresseux), et surtout notre visite au Club to Club l’année dernière nous aura permis d’entendre ad nauseam "Nolan", morceau avec lequel on avait déjà du mal et qui, joué lors de tous les changements d’artistes, s’est transformé en tout ce qu’on ne digère pas chez l'Islandais d'adoption: une musique prétentieuse, ampoulée et vulgaire à la fois, souvent trop proche du vide. Un bon résumé d’A U R O R A en somme, que l’on n'écoute quasiment plus, préférant offrir notre chair à la morsure des loups de By The Throat.

En considérant son dernier disque comme une malheureuse parenthèse, il n’est par contre pas difficile de voir The Centre Cannot Hold comme le parfait descendant de By The Throat, et de se rendre compte que Ben Frost a tiré profit de ses récentes erreurs. Si le début de "Threshold Of Faith" aurait pu annoncer un disque pompier à la A U R O R A, il est avant tout question ici de revenir aux bases de sa musique, de travailler sur la radicalité tout en gardant une empreinte mélodique flagrante - position qui a parfois pu faire de lui une sorte de Swans électronique.

Et surtout, il s’agit ici de reprendre le temps, de proposer du grésillement plutôt que d’être dans la démonstration permanente, et de pouvoir vraiment faire mal lorsque le couperet tombe - "A Sharp Blow In Passing" ou ce "Trauma Theory" entre beauté et dégénérescence incarnant bien cette démarche. L'autre preuve de ce renouveau doublé d'un retour aux fondamentaux, c'est l’immense dernier morceau "Entropy In Blue": sa construction en ruptures de ton et ses trombes apocalyptiques, en plus d’être un magnifique pied de nez à Tim Hecker, sont la preuve que l’Australien a toujours cette maitrise folle de la dynamique d’ensemble et de l’architecture de l’anarchie.

Plus généralement, on retrouve tout le long de The Centre Cannot Hold tout ce qui fait Ben Frost, et que l’on pensait avoir perdu :  "All That You Love Will Be Eviscerated" et ses textures prouvent que Lawrence English reste son mentor, là où "Ionia" convoque la douloureuse beauté de Steel Wound. Un disque ambivalent, qui brûle parfois d’une urgente angoisse, tout en ayant le froid tranchant de l’acier qui pénètre la chair. Le retour du fils prodige.