A U R O R A

Ben Frost

Mute – 2014
par Bastien, le 26 juin 2014
6

S'il y a bien un parallèle que l'on pourrait dresser entre la musique et la beauté physique, c'est que les goûts semblent se décliner quasiment à l'infini. Le rap serait une Kate Upton, une salope aussi vulgaire qu'affolante, la musique ambient un mannequin suédois aussi chiant que captivant, la pop une Jennifer Lawrence aussi plouc que sympathique. Et dans chacun de ces styles, les possibilités pourraient se décliner autant de fois qu'il y a de sous-genres.

Pour Ben Frost, producteur de drone et de musiques expérimentales qui nous intéresse aujourd'hui, disons que cette jeune fille s'appellerait Margaux. Croisée lors d'une soirée chez un des tes potes, vous avez descendu quelques 1664 en discutant de musiques expérimentales, de noise et d'ambient. Quoi de plus normal. Le courant passe bien et tu te dis que cette petite t'as sérieusement tapé dans l'œil sous ses airs chiants de fille inaccessible et intello. Elle est en outre loin d'être un cageot avec ses cheveux couleur jais, son teint halé et ses petites billes vertes. Y'a pas à chier, il va falloir que tu la revoie, d'autant plus que comme toi elle est fan de Tim Hecker. Vous arrivez notamment à aborder le cas de Ben Frost et de son excellent By The Throat voguant entre violence primitive et mélodies envoûtantes. Sacré Margaux.

Les heures passent, les bières se vident et tu te vois déjà lui déclarer ta flamme à un concert de Kangding Ray. La soirée touche pourtant à sa fin, les 1664 sont remplies de mégots, et le sol du 20m carré de ton pote suinte l'alcool. Margaux te fait signe qu'elle doit s'en aller, tu lui claques la bise en te maudissant de pas lui avoir demandé son numéro. Les jours passent, et tu désespères d'avoir une once d'informations sur la donzelle. Merde, et si c'était la femme de ta vie ? Au cours d'une de tes escapades pour écouter le dernier artiste de la nouvelle scène ambient moldave, tu aperçois que la demoiselle est là. Légèrement ivre, tu l'abordes mais la garce feint de ne pas te reconnaître. Triste déconvenue pour toi qui avait placé en elle de trop nombreux espoirs. Tu dois battre en retraite et la lasser faire les yeux doux au dj qui s'occupait du warm-up. Celle que tu avais prise pour une muse d'une classe sans nom t'apparaît alors sous son véritable jour : un brin fausse et vulgaire. Non pas qu'elle soit vilaine, mais son aura a totalement disparu. Las, tu la quittes sans regrets en te disant que tu aurais dû voir son côté surfait sous sa beauté plastique, d'autant que son intelligence présumée n'était finalement qu'arrogance.

Mais dédramatisons un peu tout ça, cette fille n'est pas la pire des garces, tu as tout simplement placé trop d'espoirs en elle, finalement tu t'es monté le bourrichon tout seul pauvre crétin. La prochaine fois ne te fie pas à une simple impression, ça t'évitera des déconvenues avec les filles, comme avec cet album de Ben Frost qui malgré de belles saillies fait montre d'un réel mauvais goût. Si on devait continuer ce parallèle entre la jeune fille et ce A U R O R A, notre rencontre se situerait avec l'apparition du single « Venter », plein d'espoirs, tandis que le temps de la désillusion totale aurait été avec « Secant » ou « Nolan » et leurs claviers dignes d'un mauvais morceau de M83.

Finalement, Margaux et Ben, même combat. On aurait aimé les chérir car une fille qui te parle de Tim Hecker c'est comme l'album By The Throat susmentionné, ça n'arrive pas tous les jours. Pourtant à vouloir en faire des tonnes, ces deux-là ont perdu tout le naturel qui faisait leur charme. Espérons que notre prochaine rencontre avec Margaux et Ben sera plus fructueuse.

Le goût des autres :
9 Simon 6 Denis