Robots après tout

Katerine

Barclay – 2005
par Claire, le 24 septembre 2005
8

Comment parler de Katerine sans tomber dans la banalité ? Et surtout sans répéter ce qu'on a déjà entendu maintes fois. A propos de lui, on aura en effet à peu près tout lu : il est comparé à un dandy-chanteur extraterrestre, à un petit génie de la chanson française, qui évolue loin des normes et des conventions (petit exploit quand on voit quel est son label – encore un stéréotype que de dire ça, sans doute). Le buzz qui a existé autour de la sortie de Robots après tout, en cette rentrée, aura même permis à certains de le comparer à un Houellebecq en manque de reconnaissance. Quelques-uns osent quand même avouer à voix basse, de peur de se faire lyncher par une horde de fans sans doute, que le bonhomme les agace, mais ils sont rares.

Jusqu'à il y a peu, je pensais avoir compris l'évolution de la musique de Philippe Katerine. Sa discographie suivait une évolution à peu près linéaire jusqu'à Huitième ciel, où le chanteur nous entraînait à sa suite dans un rêve éveillé, plein de magie et de phantasmes, pour peu qu'on soit consentant. Cet album semblait représenter l'apogée de sa discographie, et à vrai dire, je me demandais ce qu'il pourrait bien nous apporter, désormais. Mais quelle prétention, de prétendre l'avoir compris ! Pourtant, quelques faits auraient dû me mettre la puce à l'oreille. Tout d'abord cette chanson faite avec Helena Noguerra, hymne officieux du championnat d'Europe de foot de 2004, qui sortait complètement de cette ligne musicale que je lui avais attribuée. Ensuite ce concert avec Dominique A à la Cité de la Musique, où il a plus que prouvé qu'il était capable donner une seconde vie à ses chansons.

Et voilà, malgré ces avertissements, je me suis tout simplement pris une grosse claque à l'écoute de ce nouvel album. Enfin, plutôt aux écoutes de ce nouvel album. Car la première fois, on peut penser qu'il s'agit d'une suite de chansons délirantes, sur fond électro (notons au passage la très belle performance de Gonzales, à la réalisation ; mon coup de cœur à ce niveau étant sans doute pour “78-2008”), sympathiques et drôles, certes, mais qui pourraient rapidement devenir lassantes. Les textes peuvent sembler futiles et puérils, quand on les prend au premier degré, plein de clichés galvaudés. Juste un exemple, dans une chanson que Richard Gotainer ne renierait sans doute pas :
– Répétez après moi :
– Après moi

Mais il apparaît rapidement qu'il y a plus que ça, que derrière ces paroles frivoles, derrières ces listes de chiffres et de nombres impressionnantes.

Ainsi, “20-04-2005”, pour ne citer que cette chanson, est loin d'être un simple pamphlet contre une personne qui représente sans doute tout ce qu'il abhorre. Commençant par un clin d'oeil à l'attention d'une de ses fidélités journalistiques, elle se termine par une digression sur la conjugaison française ; manière pour Katerine de nous faire sentir que prendre une personne, aussi détestable soit-elle, et de lui taper dessus n'est pas une attitude plus intelligente que celle qu'on veut dénoncer. Mais surtout, Katerine réussit à exprimer dans ses textes une réelle détresse de l'être humain, qui souhaite à tout prix être reconnu et trouver sa place dans un groupe, sans y parvenir. Spectateur extérieur dans “le train de 19h”, ou DJ jouant avec les nerfs des danseurs du Louxor, ou encore dans son pétage de plombs égocentrique de “patati patata !”, il semble dresser une frontière invisible, entre lui et les autres, et finalement, entre chacun de nous.

Comme quoi, pour faire partie d'un groupe, pour trouver sa place dans une société, il ne suffit pas d'endosser leur uniforme, fut-ce un sous pull en acrylique rose…

 

Le goût des autres :
7 Fabien 8 Jeff 8 Nicolas