Pheace Be The Journey

HDBeenDope

Indépendant – 2016
par Aurélien, le 7 février 2017
7

Il n'y a qu'à voir évoluer la carrière d'Hamza pour se convaincre que certains artistes ont de beaux arguments à faire valoir même quand ils jouent la carte du mimétisme. Une façon de créer qui n'est pas forcément incohérente : vu son histoire, on ne peut pas trop en vouloir au rap de jouer la carte du recyclage.

En 2017 pourtant, il semble que cette approche n'ait plus trop le vent en poupe : des gens comme Lil Yachty proposent un rap épuré, reposant sur peu d'éléments pour fonctionner. On a beaucoup de raisons de penser que cette rupture est un vrai signe d'audace. Mais une telle approche ébranle des avis bien arrêtés sur le rap : aujourd'hui, difficile de s'y retrouver au beau milieu d'un genre qui se bousille dans sa recherche d'inédit. Pas étonnant que Pete Rock y soit allé de sa petite diatribe vu que ces deux générations d'artistes ne peuvent pas s'entendre. Ils n'ont pas usé des mêmes outils, ils ne cherchent pas à exploiter les mêmes couleurs, ils ne parlent même pas aux mêmes publics.

Au milieu de tout ça, on comprend qu'il soit difficile pour HDBeenDope de s'imposer. Du haut de ses vingt ans, ce garçon sorti des bas-fonds de Brooklyn propose une musique qui ne ressemble en rien à celle de ses collègues du même âge. Bloqué entre deux générations, il lui faut s'imposer dans une époque où tout commence à être admis dans le rap, et où le frisson de l'inédit a plus d'importance que la street cred. Pourtant, en 2017, le vrai extraterrestre du rap, ce serait bien HDBeenDope. 

C'est pourtant cette part de mimétisme sur les artistes qu'il aime qui s'illustre tout au long de Pheace Be The Journey. En fait, c'est même un rien plus profond que ça : le quatrième album du rappeur ressemble à un gigantesque inventaire de ce qu'il écoute quand il n'est pas en studio. Piétinant allègrement les plates-bandes de ses idoles (J. Cole et Kendrick Lamar en tête), HDBeenDope évolue en toute liberté sur un terrain de jeu qui n'est de toute évidence pas le sien. On aurait d'ailleurs vite fait de tourner la page si ce disque n'était pas le témoignage ultime d'un gamin fier de ses influences et animé par son envie de laisser sa trace dans le milieu. Remplie d'humilité, de diversité et surtout d'ambitions insatisfaites, cette livraison constitue un ensemble dont la solidité ferait pâlir n'importe quel rappeur bien installé. 

Heureux hasard : Pheace Be The Journey arrive dix ans quasiment jour pour jour après la sortie du Food & Liquor de Lupe Fiasco. Un disque avec lequel il partage au moins un gros point commun : celui d'être l'œuvre d'un boulimique de rap passé côté micro. Un parallèle si évident qu'on se demande si, rétrospectivement, on n'aurait pas pu torpiller ce debut album aujourd'hui élevé au rang de classique pour ce même manque de personnalité. En tout cas, on souhaite à ce disque de HDBeenDope d'emprunter une trajectoire similaire à celui de Lupe Fiasco. Quant à son géniteur, on espère qu'il continuera à sortir régulièrement des projets qui brillent, sinon par leur originalité, par leur maîtrise et leur exceptionnelle authenticité.