No.6 Collaborations Project

Ed Sheeran

Asylum – 2019
par Ruben, le 23 juillet 2019
4

Peu de gens qui nous lisent le savent, mais en 2011, Ed Sheeran sortait le No. 5 Collaborations Project qui, comme son nom l'indique, était le 5ème projet collaboratif que le jeune Britannique enregistrait dans l’espoir d’être signé - un disque autoproduit d'une maturité affolante et qui démontrait combien ce jeune gars de 21 ans avait déjà tout compris au music biz. C'est notamment avec l’appui de vrais tontons du grime (on parle quand même de gens comme WileyJme, Ghetts, P. Money ou Devlin) qu'Ed Sheeran parvenait à rameuter plus de 1.000 fans au Barfly de Camden Town, une minuscule salle capable d’en accueillir seulement 200. Afin de  satisfaire tous ceux qui s'étaient déplacés, il décidait d’enchaîner quatre concerts gratuits d’affilée pour finir par une cinquième représentation dans la rue, bien après que le bar avait fermé ses portes. Sa signature sur Asylum Records n’était alors qu’une question de temps. Huit ans se sont écoulés depuis. Aujourd’hui, Ed Sheeran remplit des stades tous les soirs et est l’artiste le plus streamé au monde - son "Shape of You" est le titre le plus écouté sur Spotify et seul "Despacito" fait mieux sur YouTube.

Avec une musique qui résonne aux quatre coins de la planète et le monde à ses pieds, il était évident que le rouquin ne se limiterait pas au grime pour ce nouvel album. Et effectivement, le No. 6 Collaborations Project se positionne comme un melting pot géant de tout ce qui fait la pop contemporaine à l'ère du streaming : Camila Cabello, Meek Mill, Justin Bieber, Skrillex, Cardi B ou encore Bruno Mars sont tous venus faire un petit coucou. En bon hôte de maison, et pour ne froisser aucun de ses invités, Ed Sheeran va dérouler le tapis rouge pour s’assurer que chacun puisse tranquillement rester tapi dans sa zone de confort. On se retrouve ainsi avec un enchaînement de titres plus fades les uns que les autres qui rappellent seulement à quel point chaque artiste a, dans sa propre discographie, des titres plus marquants. Néanmoins, la prouesse du Britannique demeure respectable puisqu’il parvient, tel un caméléon, à se fondre avec une remarquable aisance dans l’univers de chacun de ses invités.

Malheureusement, son seul talent ne fait pas oublier l'ennui que suscite ce No. 6 Collaborations Project: tout d’abord, et de façon plutôt étonnante, Ed Sheeran décide de se muer en Justin Timberlake – mais version Man Of The Woods - sur "Take Me Back To London" tandis que Stormzy ressasse, sans grande saveur malheureusement, son flow habituel. Ensuite, la réunification divine d’Eminem et 50 Cent ne donnera qu’un résultat poussif – en cause notamment un Marshall Mathers toujours aussi gênant quand il s’agit de poser sur un single pop et un Curtis Jackson sous respiration artificielle, qui semble à la peine pour arriver au bout de son couplet. Enfin, il y a tout simplement ces textes naïfs voir niais - « Don't give a damn, I'm gonna smoke here » qui détruisent toute la crédibilité du Ed Sheeran MC, surtout lorsqu'il doit exister aux côtés d'un Travis Scott ou d'un Chance The Rapper. Il faudra donc se consoler avec des titres plus discrets tels que "Best Part Of Me", en compagnie de la chanteuse de gospel YEBBA, qui a le mérite d’évoquer le souvenir heureux de "The A-Team".

Avec une liste d’invités digne d’un album de DJ Khaled, ce sixième projet collaboratif ne prend pas vraiment de pincettes pour afficher ses objectifs : être un enchaînement grossier et incohérent de singles emballés pour cartonner sur Spotify et à la radio - et il ne fait aucun doute qu’Ed Sheeran ira une nouvelle fois titiller le haut des charts. Même si on sait pertinemment bien que sa musique est un gigantesque robinet d'eau tiède, le Britannique de 28 ans a un réel talent pour usiner des tubes, et en réalité il n’a besoin de personne d’autre que sa guitare sèche pour briller.