Losing Sleep

Edwyn Collins

Heavenly – 2010
par Jeff, le 23 novembre 2010
8

En 2005, Edwyn Collins a vu la mort en face. A l'époque, l'emballement médiatique n'a pas été énorme. Il faut dire que depuis ce maudit "A Girl Like You", le songwriter écossais est toujours considéré par un bonne partie du public comme un simple "one hit wonder" qui est retombé dans l'anonymat aussi vite qu'il s'est retrouvé sous les feux des projecteurs. Pourtant, ce serait un peu vite oublier l'influence qu'a eu Edwyn Collins avec Orange Juice sur de nombreux groupes aujourd'hui actifs et l'inventivité dont faisait déjà preuve le bonhomme à l'époque – un peu de chipotage sur le ouèbe nous apprend même que "Rip It Up" intégrait une légère dose de TB-303, une machine qui allait peu après devenir légendaire en contribuant à la renommée de l'acid house. Mais revenons-en aux faits: victime de deux hémorragies cérébrales en quelques jours à peine, le songwriter écossais entame alors une longue période de rééducation qui laissait planer un certain doute sur sa capacité à retrouver son niveau d'antan. D'autant que le Home Again de 2007 ne nous permettait pas de nous faire une petite idée de son état de forme, celui-ci ayant été enregistré avec l'accident.

Mais on ne va tourner autour du pot plus longtemps: avec Losing Sleep, on peut sans l'ombre d'un doute parler de l'un des retours les plus flamboyants de 2010. En effet, du haut de ses cinquante piges bien tassées, Edwyn Collins fait montre d'une intelligence et d'une énergie suffisantes pour mettre à l'amende nombre de ces galettes un peu trop dans l'air du temps et dont la production XXL semble avoir bouffé le moindre centimètre carré d'âme. Car dans le cas présent, difficile de ne pas percevoir dès les premières notes la joie énorme que constitue ce retour en studio. D'autant plus que pour le coup, Edwyn Collins est très bien entouré puisque Ryan Jarman (The Cribs), Johnny Marr (The Smiths et aujourd'hui The Cribs), Alex Kapranos et Nick McCarthy (Franz Ferdinand), Romeo Stodart (The Magic Numbers) ou Jonathan Pierce (The Drums) viennent tous lui prêter main forte – et on ne cite ici que les plus connus. Evidemment, on sait tous pertinemment bien qu'un casting de rêve ne suffit pas à accoucher d'un grand disque (l'industrie du hip hop étant un beau cas d'école), mais dans le cas présent, l'impression laissée par ces douze titres ultra-efficaces est particulièrement bonne. Rock jusqu'au bout des ongles et évoquant autant Morrissey qu'Iggy Pop, Losing Sleep est de ces disques qui se laissent facilement dompter, et dont l'évidente sincérité touche instantanément – écouter donc "What Is My Role" , "Bored" ou "It Dawns On Me" histoire de vous en convaincre.

C'est certain: si Edwyn Collins n'était pas passé par la case hôpital/revalidation, ce disque en forme de thérapie et bourré de textes touchants de justesse n'aurait probablement jamais eu la forme qu'on lui connaît. Et tout en souhaitant à Edwyn Collins de ne plus revivre une telle épreuve, on espère qu'il pourra garder une telle forme pendant quelques albums encore…

Le goût des autres :
7 Julien Gas 8 Laurent