Life Is Beautiful

Larry June, 2 Chainz & The Alchemist

ALC Records – 2025
par Côme, le 4 mars 2025
7

S’il existait une échelle de la flemmardise, Larry June et ses graphistes tutoieraient les sommets : c’est simple, le natif de San Francisco empile des disques aussi laidback que paresseux dans une discographie qui sonne toujours un peu trop comme du sous-Curren$y pour vraiment lui permettre de s’élever dans la hiérarchie rap US. Quant à son équipe de graphisme, il lui suffit de prendre une photo de Larry June assis sur le capot d’une voiture, d'ajouter un ou deux effets, et puis de se reposer. On peut également clairement définir le zéro de l’échelle de la flemmardise : c’est The Alchemist. C’est une évidence, Alan Maman est partout, tout le temps, et le pire c’est qu’il est constant dans l’excellence. Deux années après The Great Escape, Life Is Beautiful est donc l’occasion de voir le producteur et le MC se rencontrer à nouveau, avec en plus 2 Chainz pour rajouter un peu de luxe clinquant dans l’équation.

Derrière sa très belle pochette, qui exploite un autre thème cher à Curren$y (The OutRunners, The Marina, Regatta) et associés, le produit fini est éminemment prévisible. Mais qui s’en soucie vu la qualité et la pertinence des différents intervenants ? Oui, Alchemist fait du Alchemist, et si on peut parfois se demander ce qu’il fera quand il aura enfin fini de sampler la totalité des chanteurs soul, il suffit d’écouter la prod de "Generation" pour se rassurer : Alan Maman a encore plus d’un tour dans son sac. Plus de 25 ans après son premier gros crédit en tant que producteur, Life Is Beautiful témoigne de l’hyper-pertinence de ses productions, qu’il aurait pu offrir à n’importe quel rappeur en activité aujourd’hui. Il n’est pas difficile d’imaginer un Roc Marciano ou un Earl Sweatshirt ramener un peu de marasme bien boueux sur l’une ou l’autre instru, et on s’attend régulièrement à voir débarquer Action Bronson raconter ses dernières aventures entre deux références obscures. Si le disque ne comprend finalement pas un seul feat, Alchemist continue à agir en formidable chef d’orchestre sur chaque projet où il intervient, cimentant une carrière qui le place dans un cercle de producteurs vraiment très restreint.

Le rôle des MC dans cette histoire ? Vous faire vous sentir pauvre, et pas à la mode. Toute l’avenue Montaigne y passe chez 2 Chainz, et Larry June semble de son côté déterminé à détailler l’intégralité du catalogue d’options de chez Porsche. Rien de bien différent de leurs autres sorties respectives certes, mais les deux rappeurs proposent simplement ce qu’ils font de mieux : célébrer la réussite financière et l’oisiveté de la good life, dans le droit fil de la cigar music des meilleurs moments de Rick Ross. Finie la vie de hustler, tout l’enjeu est désormais de savoir combien de jet skis on peut entasser sur le yacht entre deux réminiscences des deals passés et quelques coups d’œil dans le rétro au cas où les flics enquêteraient toujours. Si 2 Chainz sait nous rappeler qu’il reste un excellent rappeur (son couplet sur "Colossal" notamment), Life Is Beautiful ne brille pas par ses qualités techniques. Tout cela n’est de toute manière pas important : même sans forcer ses qualités évidentes, le disque suffit à embellir nos quotidiens, transformant le métro en McLaren dernier cri, la grisaille en ciel bleu, et les bullshit jobs en vies de rentier. Comme le disait si bien déjà un autre duo qui aimait les belles choses, « c’est beau la vie ».

Le goût des autres :