Here and Nowhere Else

Cloud Nothings

Carpark Records – 2014
par Michael, le 14 avril 2014
8

On peut dire que Dylan Baldi ne chôme pas: quatre albums en cinq ans et un Attack on Memory qui reste encore dans les mémoires comme un des grands crus de 2012, ayant fini en très bonne place dans les sempiternels tops de fin d’année - le nôtre y compris. Pour cette nouvelle livraison, on garde peu ou prou la même formule: on attaque pied au plancher pour à peine 30 minutes et neuf morceaux dont la plupart dépassent à peine la barre des trois minutes. L'Américain fait donc partie de cette école pour qui les plus courtes sont toujours les meilleures, et il est vrai que 75 minutes de cette frénésie et de cette rage, on aurait probablement du mal à digérer. On peut d’autant moins le blâmer pour ce parti pris tant ses albums y gagnent en cohérence et en efficacité, sans pour autant qu’on ait l’impression de s’être fait avoir sur la marchandise.

La question que tout le monde se posait était donc: sera-t-il capable de reproduire la claque et la magnitude sismique du précédent album ? On a eu un petit élément de réponse lorsque le groupe a dévoilé, il y a quelques semaines, le dernier titre de l’album. Un « I’m Not Part of Me » qui, entre punk mélodique et power pop sous amphétamines, faisait tintinnabuler le bandit manchot du premier coup, et sans hésitation. Une chanson à la fois immédiate et longue en bouche, moins simple qu’il n’y paraît, notamment au travers de sa structure non-conventionnelle - définitivement une des marques de fabrique de Cloud Nothings, et qui place Baldi dans une catégorie de songwriter plus ambitieux que la norme. Et quel plaisir que de retrouver ce sens de la mélodie allié à une rage toujours aussi intacte (on a du mal à envisager ce groupe s’assagir un jour) et à une voix dont on guette toujours avec délice les éruptions et éraillements.

Here and Nowhere Else est ainsi un album auquel on trouvera peu à redire, si ce n’est rien. La différence majeure avec Attack on Memory venant de la densité de la galette qui, de la première à la dernière seconde, ne laisse aucun répit à l’auditeur, démarrant en trombe et ne décélérant à aucun moment, l’aiguille en permanence dans le rouge. Même la production de John Congleton, pourtant plus habitué à des mises en sons plus précieuses, n’altère en rien la rudesse du propos. Rien ici n’est poli, tout juste a-t-on parfois l’impression d’un son plus ramassé, là où le précédent effort, bien que jouant constamment sur la tension, offrait tout de même plus de respirations.

On répondra cependant à la normande à la question posée en ouverture de second paragraphe. Oui et non la claque d'Attack on Memory est ici reproduite, mais l’effet de surprise en moins. Une construction et un choix de morceaux qui demandent une appréhension plus longue feront certainement que, si l’on devait dans quelques années se poser la question de quel album de la discographie du groupe il faudrait conseiller à sa petite sœur ou nièce, ce  sera à coup sûr Attack on Memory qui viendra à l’esprit et non Here and Nowhere Else. Le complexe du frère cadet qui souffrira éternellement de la présence envahissante de son glorieux aîné. Ce qui en soit n’est pas nécessairement un problème, l’histoire du rock regorgeant de ces albums de l’ombre dont les fans transis peuvent parler pendant des heures se rengorgeant au passage du prestige de leur connaissance sur ces masses abêties ne connaissant que « l’album phare ».  

Le goût des autres :