Beam Me Up!

Daniel Johnston & Beam

Differ-ant – 2010
par Serge, le 8 juillet 2010
3

Pourquoi les gens écoutent-ils Daniel Johnston? Parce que le bonhomme écrit des chansons touchantes et fragiles. Parce qu'il représente un idéal de sincérité absolue dans une industrie du disque jugée totalement corrompue et corruptrice. Parce qu'il a inventé l'indie lo-fi sans s'en rendre compte. Parce qu'il correspond au fantasme du vilain petit canard transcendant ses tares pour toucher au sublime, pitch particulièrement apprécié des fans d'indie-pop. Parce qu'il signe depuis 30 ans la bande originale parfaite du film non moins idéalisé que l'on se fait de l'Amérique des clochards célestes et autres beautiful losers. Parce qu'il sort d'un OVNI et n'est comparable à nul autre artiste que lui-même. Parce que si t'aimes les bédés de Charles Burns et de Daniel Clowes, t'aimes forcément Daniel Johnston, vu que tout cela sort de la même matrice. Parce que les chansons les plus touchantes de Daniel Johnston en appellent aux remontées de souvenirs d'enfance hautement émotifs, tels les pleurs devant la mort d'Artax dans les abominables marécages de la mélancolie ou le premier doigt sur le premier poil.

Pourquoi les fans de Daniel Johnston encaissent-ils mal cet album, Beam Me Up, enregistré avec Beam, un orchestre de jazz hollandais? Parce que la clarinette, c'est comme la vuvuzela sauf que la vuvuzela, c'est continu, on peut s'en accomoder alors que la clarinette, c'est plus sournois, ça part, ça revient, ça accompagne gentiment la chanson avant de complètement péter un plomb et bouffer tout ce qui bouge. Parce que si Daniel Johnston est incomparable, touchant et sublime sur cassettes pourries quand il joue seul à la guitare, encadré par des pros de la profession, c'est juste un gros golo qui postillonne des chansons d'amour bébêtes (avec trop de clarinette!). Parce que si ce disque est une sorte de best of (une poignée de classiques et quelques inédits), c'est un best of qui ne respecte pas l'idée que ces chansons étaient meilleures que d'autres puisque c'est pour complètement les réinterpréter... ce qui revient en fait plus ou moins à sortir un best of de Rammsteinn entièrement remixé par David Guetta. Parce que Beam Me Up, c'est la même chose qu'une version redux au cinéma, sauf que dans ce cas-ci, le director's cut est sorti longtemps avant et a été carrément sanctifié, d'où l'impression de remake pourri, d'outrage, de vandalisme même!

Maintenant, il faut bien se dire une chose : les disques les plus accessibles de Johnston ont pour la plupart été produits afin de ramasser l'argent nécessaire à le faire tout simplement vivre, payer ses soins, etc... On ignore totalement si celui-ci a pour départ la même démarche mais il est évident que ça l'excuserait quand même un peu. Ou pas, allez, maintenant qu'il y a Medicare aux States...

Le goût des autres :
6 Julien L