Mary Anne Hobbs Presents : Evangeline

Various Artists

Planet Mu – 2008
par Simon, le 2 juillet 2008
8

Considérée par beaucoup comme la prêtresse du dubstep, Mary Anne Hobbs se situe encore et toujours à la pointe de la culture urbaine d’outre-Manche. Elle et son émission hebdomadaire sur la radio BBC (Mary Anne Hobbs Experimental) représente depuis plus de trois ans le meilleur de la scène dubstep/grime/dark dancefloor au travers de previews foisonnantes, de dubplates endiablées et de mini-mix avant-gardistes. Avec la volonté de ne pas en rester là, Mary Anne Hobbs a eu la bonne idée en 2006 de promouvoir cette scène au moyen d’une compilation non-exhaustive des multiples talents qui faisaient à l’époque la loi en Angleterre (Warrior Dubz). Une compilation qui, avec le premier opus de Burial, confirmait preuves à l’appui qu’on ne pouvait désormais plus ignorer ce phénomène ultra référencé dans notre bonne vieille Europe continentale, qui paraissait bien rétrograde devant cet essai plus que réussi.

Notre sauveuse remet logiquement le couvert deux années plus tard, avec la même idée en tête : proposer une sélection qui ferait office de balise, de point de référence pour une époque donnée. On retrouve donc notre grande famille des producteurs les plus classes du moment pour une bonne heure de plaisir underground. Pas de temps morts, pas de démarrage au diesel puisque iTAL tEK (dons je vous reparlerai prochainement) commence en force avec un « Archaic » massif à souhait, basé sur une basse fréquence ombragée glissant sur un alliage de break technoïdes, serpentant entre des mélodies enlevées et vibrantes. Une fois le ton donné, les tubes s’enchaînent : rayon déblayage dancefloor, on retrouve le tube underground « The Drop » (que certains ont pu découvrir dans l’excellent Fabric de Caspa et Rusko), où Unitz fait varier les fréquences de manière presque abusive pour une bonne séance de roller-coaster dubstep. Autre dancefloor-killer, Magnetic Man (ou l’association de trois talents incontournables : Skream, Benga et Artwork) et sa structure rentre-dedans basée sur l’alliance breaks qui déflorent/wobble qui lamine.

Au rayon des mysticismes troublants, on retrouve deux des producteurs les plus respectés du crossover dubstep/techno : Pinch d’un côté qui poursuit son ascension dans des sphères tech avec un dubstep léthargique où les nappes d’ambient flirte avec réussite avec des bleep minimaux, le tout soutenu par une basse fréquence étouffée et vicieuse. Shackleton, quant à lui, se promène le sampler sous le bras pour une épopée roots assurément deep, pas loin de son excellent « Death Is Not Final » : le résultat est garanti et voyage entre ambient dub et sournoiseries tribales.

Les exclusivités qui étonnent sont bien évidemment légion : Boxcutter surprend par son escapade IDM/jazz, bien loin de ce à quoi il nous avait habitués avec ses deux premiers opus ; Dakhim se lance dans une ode r’n’b de très haut niveau, gratifiant son wobble de métronome insistant pendant qu’une voix féminine massacre en douceur les récalcitrants (peu nombreux je vous rassure) pendant que le maître techno Surgeon élimine toute chance de riposte avec une virée techno rutilante, tenant les rênes d’une usine à basses lancées à toute vitesse.

Puis il reste les invités de marque sans qui cette compilation se serait vue amoindrie : Flying Lotus vient défendre la cause du hip-hop (et aussi préparer sa venue au Sonar Festival en compagnie de la délégation de Mary Anne Hobbs) avec la force qu’on lui connaît ; Ben Frost tente l’isolement noise/hip-hop avec réussite tandis que Wiley défroque son grime avec une lourde production typée jungle. Claro Intelecto clôture cet compilation comme il a clôturé son album (Metanarrative, que je vous conseille tout particulièrement) : avec un « Beautiful Death » à la personnalité débordante, posé et langoureux.

Il n’en fallait pas plus pour obtenir sans surprise une compilation de très grand standing, qui n’est logiquement que le point d’ancrage pour bien débuter une apnée dans les grandes étendues sous-terraines de cette scène à haut potentiel. Seul le sérieux de Mary Anne Hobbs pouvait assurer à cette série de compilation le succès et la gloire qu’elle mérite, voilà à nouveau chose faite. En attendant le troisième volet de la série, Evangeline recadre admirablement bien les choses pour permettre à tous les auditeurs, expérimentés ou non, de se diriger sur la bonne voie. Merci Madame.