Concert

Action Bronson

Le Trianon, le 21 septembre 2015
par Aurélien, le 28 septembre 2015

Les rappeurs qui essaient de faire revivre le boom bap, il y en a beaucoup trop. Mais si on prend le problème à l'envers, on préférera dire qu'il n'y en a finalement pas assez qui nous séduisent comme Action Bronson le fait. Car avec son rap un peu passéiste, le MC du Queens a su se payer une couverture médiatique évoluant bien au-delà de sa musique, à la manière d'un Cam'Ron en son temps.

En 2015, le gros roux incarne donc une certaine idée du cool dans le monde de la musique. Une attitude qui lui a permis de toucher un très large public, même si son Mr Wonderful s'est retrouvé noyé dans la masse d'une année rap extrêmement chahutée. Et la meilleure preuve de ce qu'on avance, c'est qu'on se rappelle davantage des six épisodes de Fuck That's Delicious que du dernier tiers mollasson du LP précité, paru en juin dernier.

Mais bon, c'est pas bien grave : le gros roux est tellement loin qu'il n'a que faire des mauvais retours. A l'heure où l'on écrit ces lignes, il boucle probablement son Blue Chips 3 et continue de se répandre en featurings chez ses meilleurs copains. Et avec une dalle pareille, gageons qu'il aura encore quelques belles années pour capitaliser sur son statut de bête de scène : il possède d'ores et déjà assez de matière pour jouer chaque soir une setlist différente. Mais ne nous enflammons pas trop vite non plus, puisqu'on parle ici d'un concert de rap - et ce n'est pas ici qu'on refera le match.

Ce concert au Trianon, c'était en tout cas notre première scénique avec le barbu. Et dès la chouette première partie assurée par Meyhem Lauren, on regrette déjà de ne pas avoir croisé le gros roux dans de plus petites salles : le Trianon de Paris avec ses allures de théâtre n'est pas le genre de terrain qui s'accommode de l'énergie d'un concert rap. Une incompatibilité qui va de pair avec un public avec lequel on était plus tout à fait habitué à composer : ce concert fut l'occasion de se rappeler qu'on pouvait se contenter de hocher la tête au milieu de trentenaires en Snapback au son d'un kick/snare. Ce n'est donc pas ce soir qu'on fera les cons et qu'on suera comme des gorets dans la fosse au milieu de la jeunesse sponsorisée par Supreme. 

Un constat qui ne sera pas tout à fait le même pour le maître de cérémonie qui, en plus d'être fort, cumule la tare d'être roux. Surtout qu'il ne tarde pas à démontrer qu'il est aussi vorace en studio que devant une assemblée entièrement acquise à sa cause : même un cône au bec, le rouquin kicke bien, maîtrise l'entertainment comme personne et ne tarde pas à enflammer la salle - même lorsqu'il oublie certaines de ses paroles. Sans backs ni bandes (prends ça The Underachievers), seul sur scène à l'exception d'un titre ou deux en compagnie de Big Body Bes et Mayhem Lauren, le bougre donne de sa personne et prouve, en dépit de sa bonhomie, qu'il est vraiment fort sur scène. Il chante, danse, rappe, saute dans le public... Bref, il prouve que le poids ne fait pas le moine.

C'est au niveau de son DJ, le daron The Alchemist, que le bât blesse : si les qualités de beatmaker du californien ne sont plus à souligner, c'est surtout ses qualités de DJ qui laissent à désirer. Elles étaient ce soir-là trop bancales pour faire de ce concert, qui avait tout pour plaire, autre chose qu'un bête "best-of". Ainsi, on déplorera la présence de quelques temps morts, ainsi que les trop rares vraies surprises - un "Contemporary Man" en rappel n'aurait sans doute pas été de trop par exemple.

Mais c'est surtout la cruelle absence de moments de folie douce ayant fait la renommée live du MC qu'on regrettera. Reste à l'arrivée un set honnête et scolaire, sans réelles fautes de goût, mais qui aurait davantage eu sa place dans la programmation d'un festival plutôt que dans celle d'une salle de concert. Forcément décevant quand on sait que l'entrée scorait les 30€ sans pression, pour une heure seulement d'un set qui nous a laissé un désagréable arrière-goût de service minimum.